Pour les policiers, une formation qui a du mordant

L’asbl BE-In forme policiers et agents communaux au bien-être animal. Un soutien du Fonds Bien-être animal, géré par la Fondation Roi Baudouin, a facilité la mise en place de cette formation interactive, qui fait intervenir la réalité virtuelle. Elle aide les fonctionnaires à intervenir dans le respect du lien humain-animal.

C’est à une visite virtuelle d’appartement que se livrent dix-sept policiers, réunis en petits groupes derrière des ordinateurs. En maniant le pavé tactile, ils pénètrent dans l’habitation, sur invitation du locataire, dont les paroles s’affichent dans une fenêtre de dialogue.

À l’intérieur, c’est le chaos. Des canettes et des détritus jonchent le sol. La visite continue et l’ampleur du désastre saute aux yeux. Des policiers remarquent des insectes, des excréments. « C’est le bordel », résume un des policiers derrière son écran. Dans ce capharnaüm, on devine un drôle de chien à poils longs, bien sage et mal entretenu. Ses conditions de vie sont à l’évidence très dégradées. Très vite, les questions affluent. Quelle est la marche à suivre pour protéger l’animal ? Faut-il procéder à une saisie d’urgence ? Si oui, comment bien motiver cette saisie ? À quelle réglementation se référer ? Vers quel spécialiste se tourner ?

Toutes ces questions sont au cœur de la formation prodiguée par Julien Lacave, lui-même policier et co-fondateur de l’asbl BE-In. Cette association donne des clefs de compréhension et d’action au sujet du bien-être animal et de la législation environnementale à des policiers et à « tout intervenant de la chaîne pénale ». Ce sont surtout les fonctionnaires directement concernés par ces matières qui viennent se former ; par exemple les référents ‘environnement’ ou ‘bien-être animal’ de leur zone de police. Les sessions de BE-In complètent la formation de base, grâce à des mises en situation concrètes et des interventions d’experts qui permettent de trouver son chemin dans l’univers compliqué des lois et règlements. « Nous abordons le théorique et le juridique à travers des cas pratiques, des échanges de trucs et astuces », explique Julien Lacave. Des juristes, des vétérinaires, des fonctionnaires, des dirigeants de refuges partagent leur expertise.

Aborder l’humain et l’animal

Devant leurs écrans, les policiers continuent leur progression dans la maison, grâce à la réalité virtuelle. Ils répondent à des petits quizz et notent consciencieusement leurs constats. Un collier électrique est repéré sur un meuble. Un policier le mentionne dans son PV, « car les colliers électriques sont interdits. » Le constat est vite corrigé par Julien Lacave : « Attention, c’est l’utilisation du collier électrique qui est interdite, pas sa vente, ni sa détention. Il faudra que le constat en démontre l’utilisation. »

Les interventions de fonctionnaires, en lien avec les animaux, sont multiples. Lors de la formation, les policiers apprennent à repérer les mauvais traitements, bien sûr, mais aussi les règles à faire respecter dans le domaine du transport, de la mise à mort, de la commercialisation. « La matière est tellement vaste et complexe qu’on ne sait pas toujours comment intervenir, quels partenaires contacter, qui est compétent pour faire quoi », résume François, participant à la formation.

Lorsqu’on parle d’animaux domestiques, c’est la police qui est compétente. Et les agents savent bien que la saisie est à manier avec une grande précaution. « Car les gens sont très attachés à leur chien ou à leur chat », ajoute un autre participant. « Hormis les cas de cruauté, la négligence subie par des animaux de compagnie est souvent le pendant de la misère humaine », rappelle Julien Lacave. « Notre intervention doit nuire le moins possible à l’animal et à la relation avec l’humain. » Pour évaluer une situation avec finesse, il faut lui insuffler du contexte, car la maltraitance des animaux cache d’autres problématiques. Parfois, les ‘maîtres’ n’ont pas la connaissance suffisante des besoins de leurs chiens, chats, oiseaux. Souvent, la négligence est le révélateur de fragilités, de drames personnels, voire de violences intrafamiliales.

La formation se clôture avec l’histoire qui se cache derrière la vidéo immersive. Le maître du chien a vécu le pire des drames. La perte d’un enfant, qui a déclenché des ruptures en cascade : dépression, séparation du couple, perte d’emploi. « La saisie temporaire du chien a permis de mettre des choses en place pour améliorer la situation et ensuite, leur permettre de se retrouver », rassure Julien Lacave.

L'asbl BE-In appuie le réseau BALEN mis en place par la zone de police Midi depuis plus de deux ans. Ce réseau rassemble tous les acteurs de la chaine du bien-être animal. Zones de police, parquets, administrations, pompiers, associations, vétérinaires et experts peuvent ainsi échanger et partager autour de cette thématique. Le soutien de 97.600 euros du Fonds Bien-être animal a permis de soutenir ces efforts, de mettre en place cette formation alliant théorie, échanges et exercices de réalité virtuelle, et de publier le guide pratique qui la sous-tend.

À propos du Fonds Bien-être animal

Géré par la Fondation Roi Baudouin, le Fonds Bien-être animal, en collaboration avec le Fonds Madame Mignolet, le Fonds Simone van Mossevelde et le Fonds Evita et Rani Trigalet, vise à améliorer le bien-être animal dans les activités liant l’humain et l’animal. Chaque année, ces Fonds unissent leurs forces pour lancer un appel à projets. Cet appel vise soit à renforcer les connaissances et compétences des professionnels travaillant avec des animaux, en mettant l’accent sur le bien-être de ces derniers, soit à soutenir des projets de sensibilisation des citoyens et consommateurs au bien-être, aux besoins et à la sensibilité des animaux. Depuis le lancement de cet appel en 2022, 15 projets ont bénéficié d’un soutien, pour un total de 607.148 euros.

Un nouvel appel à projets visant à renforcer la formation des professionnels en matière de bien-être animal est ouvert jusqu’au 20/01/25 : https://kbs-frb.be/fr/renforcer-la-formation-du-professionnel-en-matiere-de-bien-etre-animal-0