Récit

Honneur à qui le mérite

Pendant cinq siècles, le retable ‘L’Adoration des Mages’ dans la basilique San Nazaro Maggiore de Milan a été attribué à un artisan allemand. Une restauration, effectuée avec le soutien du Fonds Comhaire et du Fonds Jonckheere, a révélé les véritables auteurs : une célèbre dynastie de sculpteurs bruxellois.

C'est grâce à la générosité de Jean-Jacques Comhaire et de René et Karin Jonckheere que ‘L’Adoration des Mages’ – un retable du début du XVIe siècle conservé dans la basilique San Nazaro Maggiore de Milan – retrouve sa splendeur d'antan. L'étude préliminaire, financée par la Fondation Périer-d'Ieteren, a été réalisée par l'Institut royal du patrimoine artistique (IRPA). Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir, sous les nombreuses couches de vernis brun, la polychromie d'origine.

C’est tout à fait exceptionnel. Au fil des siècles, la couche picturale a été enlevée pour adapter l'œuvre aux tendances et aux goûts du moment. Chaque couche de vernis retirée a fait apparaître des détails époustouflants tels que des vaisseaux sanguins, des moustaches et des perles.

Mais la plus grande surprise était encore à venir : la découverte, sur la caisse du retable, du poinçon de la guilde des sculpteurs et menuisiers de Bruxelles. Pendant des siècles, le retable a été attribué à l'artisan allemand Adam Kraff. La découverte du poinçon a permis d'établir clairement que c’est la dynastie bruxelloise des Borman qui mérite tous les éloges.

L'atelier de cette dynastie Borman, une entreprise familiale de sculpteurs sur bois qui s’est transmise de père en fils pendant quatre générations, a produit des œuvres tant religieuses que profanes. Des pièces de cet atelier font partie des collections des plus grands musées du monde, comme le Louvre à Paris ou le Metropolitan Museum de New York.

La qualité de l’œuvre et certains détails techniques donnent même à penser que le retable pourrait être de la main de Jan II Borman lui-même. D'autant plus qu'il rappelle un autre retable restauré avec le soutien du Fonds René et Karin Jonckheere et actuellement exposé au Musée d’Art & d’Histoire. Jan Borman fut à la sculpture sur bois brabançonne ce que Rogier van der Weyden fut à la peinture : un maître virtuose et un novateur.

Les recherches et la restauration de ‘L'Adoration des Mages’ ont été rendues possibles grâce au Fonds Professeur Jean-Jacques Comhaire, qui a financé les recherches de l'Institut royal du Patrimoine culturel, et au Fonds René et Karin Jonckheere, qui a permis la conservation. Ces deux Fonds sont gérés par la Fondation et ont uni leurs forces avec la Fondation Périer-d'Ieteren.

Aux XVe et XVIe siècle, Bruxelles a produit un grand nombre de retables dits brabançons qui ont alors rencontré un énorme succès dans toute l’Europe. Ils étaient célèbres pour leur raffinement artistique et leur qualité d'exécution. "Nous estimons que 75 % de la production était destinée à l'exportation", explique Emmanuelle Mercier, responsable de l’atelier d’étude et de conservation/restauration des sculptures de l’IRPA. Selon les estimations, il y en avait 49 dans la cathédrale d'Anvers et dix, parfois vingt, même dans de petits villages. "Ils étaient pourtant très chers.”

Le retable de la basilique San Nazaro Maggiore se trouvait derrière l'autel. Il s'ouvrait et se refermait selon le calendrier religieux. Il était probablement pourvu de volets peints, qui ont été perdus ; seules les charnières ont été conservées. Ce qui subsiste, c'est la caisse avec des reliefs sculptés. Le sujet comme la taille sont hors du commun. En effet, ces retables représentaient généralement des cycles narratifs comme l’histoire de la Vierge Marie ou la vie d'un saint. Ici, le sujet est une scène unique, l'Adoration des Mages. Avec leurs 75 centimètres, les personnages sont également deux fois plus grands qu’habituellement.

Le retable même, qui était emmuré, était en bon état. Mais la polychromie d'origine n'était plus visible en raison d'une intervention de restaurateurs, vraisemblablement au XIXe siècle. "À l’origine, le retable était très coloré, avec de nombreuses surfaces dorées, mais aussi beaucoup de rouge, de bleu et de vert, et toute une panoplie de techniques et de motifs décoratifs. À un moment donné, ces couleurs ont été considérées comme 'criardes' et sont passées de mode. Le retable a été recouvert d'un vernis brun brillant et les surfaces dorées ont été redorées, ce qui a considérablement modifié l'œuvre".

"Aux XVe et XVIe siècles, Bruxelles a produit un grand nombre de retables dits brabançons qui ont alors rencontré un énorme succès dans toute l’Europe."
Emmanuelle Mercier
responsable de l’atelier d’étude et de conservation/restauration des sculptures de l’IRPA

La restauration, qui consiste essentiellement à mettre à nu la polychromie d’origine, a commencé en avril 2022 et exige beaucoup de patience. “En Belgique, l’habitude était de repeindre les sculptures en ronde-bosse, jusqu’à une à deux fois par siècle. Certaines œuvres arrivent complètement empâtées.” Avant que le retable restauré ne retourne à Milan, les partenaires espèrent donner l’occasion au public de l’admirer ici en Belgique.

Un partenariat pour une restauration

La restauration du retable a été rendue possible grâce au soutien de deux Fonds gérés par la Fondation Roi Baudouin. Le Fonds Professeur Jean-Jacques Comhaire promeut l'utilisation de l'archéométrie, l’utilisation de méthodes de recherche et de contrôle des sciences exactes ainsi que de l'informatique, pour le patrimoine. Le Fonds a financé la recherche technique du retable (dendrochronologie, analyse des couches picturales). Le Fonds René et Karin Jonckheere soutient la conservation du patrimoine mobilier qui met en valeur le rayonnement artistique de Bruxelles en Europe. Il finance la restauration proprement dite. La Fondation Périer-d'Ieteren, l’IRPA, l'archidiocèse de Milan et la banque italienne Intesa Sanpaolo sont également des partenaires de ce projet.

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