Une expérience immersive pour les aveugles et malvoyants au Musée de la Bande Dessinée

Le Musée de la Bande Dessinée de Bruxelles n’est pas une destination évidente pour les visiteurs avec une déficience visuelle. Les qualités tactiles d’une bande dessinée peuvent, à première vue, sembler limitées. Néanmoins, le musée a répondu avec succès à l’appel à projets Handicap Visuel et Inclusion de la Fondation Roi Baudouin. Jérôme Puigros-Puigener, responsable d’accueil, explique comment le musée emblématique améliore l’accessibilité pour les personnes aveugles et malvoyantes.

Le Musée de la Bande Dessinée se compose d’une partie musée et d’une bibliothèque de bandes dessinées. Dans ce musée somptueux — le bâtiment est la dernière création du célèbre architecte Art nouveau Victor Horta — Jérôme Puigros-Puigener est en charge des opérations publiques, des guides et des groupes. Il soutient les artistes en résidence, prépare un livre sur les auteurs de bande dessinée et gère le dossier d’appel à projets de la Fondation Roi Baudouin. Un emploi du temps chargé qui laissait peu de place pour un petit groupe cible de visiteurs comme les aveugles et les malvoyants, concède-t-il. « Nous avions déjà été sondés par les associations à ce sujet. Jusqu’alors, rien n’était spécifiquement prévu pour les aveugles et les malvoyants, à l’exception d’un guide formé pour accueillir ce groupe cible. »

Créer des expériences tactiles

Cependant, selon Jerôme, le Musée de la Bande Dessinée accueille une population de visiteurs très diversifiée, qui compte également des visiteurs atteints d’une déficience visuelle. « De nombreux visiteurs en solo, mais aussi des parents avec des enfants : c’est une agréable destination familiale. Et surtout de nombreux groupes scolaires de 6 à 18 ans. Et de temps en temps, des personnes âgées. Pour eux, l’accessibilité joue déjà un rôle plus important. Les visiteurs à mobilité réduite peuvent emprunter l’ascenseur qui dessert les trois étages. » Mais jusqu’où va la politique générale en matière d’inclusion des visiteurs ? « Pour les visiteurs souffrant d’un handicap physique ou mental, il est possible de réserver un guide formé à l’accueil de ce public. Nous recevons régulièrement des groupes de personnes porteuses de handicaps pour lesquels nous avons également un tarif préférentiel. »

Les visiteurs porteurs d’un handicap peuvent donc parfaitement se rendre au Musée de la Bande Dessinée, mais la visite est avant tout une expérience visuelle. Qu’est-ce que le musée a déjà pu entreprendre à ce jour pour stimuler les sens des visiteurs aveugles ou malvoyants ? « Ce sont fondamentalement des éléments tactiles », explique le chef de projet. « Notre guide spécialisé a développé des plaques en relief qui représentent les mouvements d’un personnage de bande dessinée. Par ailleurs, les aveugles sont autorisés à toucher toutes les sculptures du musée. » Le Musée de la Bande Dessinée compte de nombreuses statues grandeur nature : on y trouve notamment Spirou, la fusée lunaire de Tintin et un personnage de manga. « Les visiteurs ordinaires ne sont pas autorisés à les toucher, mais nous encourageons les aveugles et les malvoyants à le faire. »

Formation et sensibilisation

La bibliothèque travaille sur une collection de bandes dessinées aux textures et formats tactiles diversifiés. « On a notamment des reliefs ou des textes en braille et une variété de papiers. Nous n’en sommes qu’au début de ces initiatives, mais grâce au financement de la Fondation Roi Baudouin, nous voulons et pouvons désormais poursuivre sur cette voie », souligne Jérôme. Il nous dévoile quelques exemples de la vaste bibliothèque de bandes dessinées. Pour l’instant, ils sont consultables sur demande, mais il est prévu d’y consacrer un mur de livres distinct plus tard. Le soutien financier de la Fondation Roi Baudouin en 2023 a permis de lancer une autre initiative : une formation de deux jours par l’association Les Amis des Aveugles asbl à Mons. « Nous l’avons suivie à l’automne 2024. Notre équipe y a suivi une formation sur l’accueil des visiteurs avec un handicap visuel.

La formation nous a permis de voir que certains éléments du musée pouvaient être améliorés. Nous avons pu assister à la formation avec deux collaborateurs de l’accueil, deux collaborateurs du service éducatif et deux guides : un bel échantillon de notre équipe complète de 30 collaborateurs. Ce fut également une étape importante pour la sensibilisation de l’ensemble de nos collaborateurs. La plupart d’entre eux n’avaient que peu ou pas d’expérience avec ce groupe cible. »

Un soutien financier en tant qu’accélérateur

Pourquoi la Fondation Roi Baudouin a-t-elle soutenu le Musée de la Bande Dessinée ? « Principalement parce que nous voulons penser à long terme et créer progressivement davantage d’installations pour les aveugles et les malvoyants. » Car d’autres adaptations pourront encore être apportées au fil du temps, acquiesce Jérôme. « Par exemple, la circulation des flux de visiteurs pourrait être nettement améliorée. Nous voulons tendre vers une ergonomie optimale pour nos visiteurs avec une déficience visuelle. Le soutien auditif est une possibilité, mais il dépend de l’exposition temporaire du moment. Pour certaines expositions, nous fournissons un audioguide mobile via un code QR. Nous ne pouvons pas toujours le faire, mais nous envisageons d’ores et déjà de l’intégrer à la collection permanente. »

Jérôme Puigros-Puigener est catégorique : le soutien de la Fondation Roi Baudouin à ce projet a quoi qu’il en soit permis d’accélérer les choses. « Auparavant, nous n’avions ni le temps ni les ressources pour cela. Ce soutien a joué un rôle d’accélérateur. Je pense que c’est très positif, car sinon nous serions encore en train de nous réunir à ce sujet. Là, au moins, nous avons fait un important pas en avant. Mais avant de pouvoir communiquer au sujet de nos installations pour les visiteurs malvoyants dans le cadre des opérations publiques, tout doit être parfaitement au point. »