Un abri villageois comme ciment social

Depuis 2012, l’opération ‘Vis mon village !’ de la Fondation Roi Baudouin ne cesse de voir son utilité confirmée et renforcée. Près de 420 initiatives citoyennes ont ainsi obtenu un soutien financier pour tisser davantage de lien social dans les quartiers ruraux, villages et hameaux de Wallonie, y créer une dynamique positive et y favoriser la convivialité. L’une des dernières en date : un abri villageois qui sent bon le bois frais et la convivialité dans un hameau de Gesves. Embarquement !

Vu de loin, avec ses 20m² au sol, il a l’air un peu perdu face à la plaine de jeux, aux compartiments de compostage et à la boîte à livres de cette belle prairie communale. Mais, une fois, à l’intérieur, il s’en dégage une chaleur qui tient à la fois à son orientation (plein sud !), à la nature des matériaux (du bois à 99 %) et aux essences choisies par ses concepteurs : mélèze, chêne et sapin de Douglas, tous originaires de ce coin verdoyant du Condroz Namurois. Trois parois robustes en planches épaisses sont soigneusement arrimées à six pieds en béton discrètement coulés dans le sol. Tout de bois également, le toit en pente douce ne dépare en rien la construction.

Bienvenue dans l’abri de Haut-Bois, ce hameau de l’entité de Gesves ! En ce dimanche matin de fin mars, ils sont tous là pour savourer ce moment tant attendu. Six ans après la genèse de leur aventure commune, Colette, Nancy, Françoise et Michel, Éric, Luc, Jacky, Christian et les autres pénètrent dans la petite construction avec, dans leur sillage, quelques édiles communaux aussi souriants qu’eux. Il y a dans l’air comme une atmosphère de joie simple et naturelle où chacun se tape sur l’épaule, accueille le voisin par une accolade ou commente ce jour un peu particulier par une boutade ou une taquinerie. Tous portent, sur la poitrine, une étiquette affichant leur prénom et le nom de leur rue.

Lutter contre les villages dortoirs

« L’idée de cet abri est née en 2018 », se rappelle Christian Uyttenhove, habitant du quartier depuis plus de quarante ans. « Avec trois autres Haltiboisins, nous avons sollicité les 150 familles du hameau sur ce qui leur semblait le plus souhaitable pour améliorer la vie du quartier. La réponse la plus souvent citée a été la construction d’un abri afin d’accueillir les parents et les grands-parents accompagnant les enfants à la plaine de jeux. Mais, dès le départ, il a surtout été question de faciliter les contacts entre voisins et de favoriser les assistances mutuelles entre anciens et nouveaux résidents ».

Car, à Haut-Bois comme ailleurs, le phénomène des villages dortoirs et de l’anonymat rural n’a cessé de gagner du terrain. Le dernier petit commerce local (une épicerie) a fermé boutique il y a une quinzaine d’années. L’école communale de Haut-Bois n’est plus qu’un lointain souvenir : la dernière sonnerie des classes a retenti il y a 45 ans. Parallèlement, la population de l’entité toute entière (Gesves, Faulx-les-tombes, Haltinne, Mozet, Sorée…) n’a cessé de progresser, passant de 3.400 âmes en 1975 à 7.500 aujourd’hui. Une photo aérienne en témoigne : dans les années 1970, il n’y avait ici quasiment que de vastes parcelles agricoles. Aujourd’hui, c’est une succession de terrains privés qui s’offre aux regards, où barrières, clôtures et haies de thuyas ont la part belle. Anciens et nouveaux habitants sont moins enclins qu’autrefois à partager spontanément leurs activités. 

Vient ensuite la délicate question du financement. C’est alors qu’intervient l’opération ‘Vis mon village !’ de la Fondation Roi Baudouin, qui soutient chaque année des projets émanant de citoyens. « Nous avons introduit un dossier de candidature et, pour notre plus grand bonheur, avons obtenu un soutien de 5.000 euros » explique Christian Uyttenhove. « La Fondation a agi comme précieux levier car, outre l’abri, nous espérions installer une table, des bancs, un barbecue collectif et un sol en dur. Il nous fallait un montant supérieur. Lorsqu’en 2023, la commune a lancé une initiative de budget participatif, l’aide déjà consentie par la Fondation a contribué à la reconnaissance de notre projet. Le budget total, cette fois, nous l’avions ! »

Forces et compétences multiples

L’ancrage local et la dimension participative du projet ne s’arrêtent pas là. C’est Espace-Bois, un atelier local de formation aux métiers du bois pour personnes en réorientation professionnelle, qui s’est chargé de la fabrication de la structure et de l’érection de l’abri. Aidé, il est vrai, par les voisins réunis en association de fait autour du creusement des fondations et, partiellement, de la construction de la charpente. 

D’ici à l’été, cette fine équipe d’artisans locaux et de voisins volontaires aura probablement installé le barbecue, le sol en dur et le chemin d’accès à l’abri. Et, qui sait, un panneau didactique et un range-vélos. « C’est important, les bancs ! », lance Colette, autre cheville ouvrière du projet. « Ils donnent comme un message d’accueil aux nombreux randonneurs qui passent par notre village : vous êtes les bienvenus ». 

Et de souligner qu’il reste des terrains à bâtir à Haut-Bois… Que l’abri et ses installations, de ce fait, auront une portée bien plus large que le seul plaisir des habitants actuels. Sur les cloisons de l’installation, déjà, l’appel à suggestions pour l’été est éloquent : balade canine, tournoi de pétanque, auberge espagnole, karaoké… Y a plus qu’à concrétiser.

À propos de ‘Vis mon village !’

Lancée en 2012, l’opération ‘Vis mon village !’ de la Fondation Roi Baudouin soutient des initiatives d’habitants désireux de concrétiser un projet pour améliorer la qualité de vie, la convivialité et la cohésion sociale dans les quartiers ruraux, villages et hameaux de Wallonie. Depuis 2021, l’opération s’effectue en partenariat avec le/la ministre wallon.ne de la Ruralité. Depuis son lancement, ‘Vis mon village !’ a déjà soutenu 420 projets, représentant un budget global de plus d’1,8 million d’euros.