Récit

Une oasis pour se rétablir

2025

« Les personnes sans-abri aspirent à une vie comme celle de Monsieur et Madame tout le monde »
Andy Vandermeersch
Travailleur social à Vrienden van het Huizeke vzw

Dans les Marolles, à Bruxelles, une maison de lignée offre un refuge aux personnes sans-abri atteintes de tuberculose. Elles peuvent y poursuivre leur traitement après leur séjour à l’hôpital. Au ‘Den 12’, elles retrouvent calme, dignité et, peu à peu, goût de vivre. 

Nichée dans une ruelle près de la place du Jeu de Balle, au cœur des Marolles, la maison ressemble à des milliers d’autres : une façade discrète, une rangée de sonnettes typiques de ces anciennes maisons de maître bruxelloises, aujourd’hui divisées en appartements. Cet anonymat convient aux résidents, qui ont souvent l’étrange impression que le mot ‘tuberculose’ est inscrit sur leur front. 

Le ‘Den 12’ héberge six personnes, en traitement contre la tuberculose. Là, elles reprennent des forces. Avant, elles vivaient dans la rue ou dormaient de canapé en canapé, hébergées temporairement chez des amis ou des parents proches. La plupart sont en en transit ou sans-papiers. C’est le cas de Loucas, 28 ans, qui a quitté le Maroc pour s’installer en Belgique il y a trois ans, à la recherche d’une vie meilleure. 

Jusqu’à l’automne dernier, sa famille ignorait qu’il vivait dans la rue. « Je ne veux pas qu’ils s’inquiètent pour moi, mes parents sont déjà âgés », dit-il. Pour la même raison, il ne veut pas non plus qu’ils sachent qu’il est malade. L’année dernière, il a commencé à souffrir de douleurs dorsales et d’une grande fatigue. Travaillant dans la construction, il pensait que ses douleurs étaient dues à la nature du travail.

Jusqu’au jour où, dans le tram, il a été victime de violentes crises de sueur. Inquiet, il s’est finalement rendu aux urgences. Le diagnostic tombe : une tuberculose, rare dans son cas, car localisée non pas aux poumons, mais à la colonne vertébrale. Il passe d’abord 11 jours en isolement, puis trois mois dans une unité spécialisée de l’hôpital Saint-Pierre. Depuis deux mois, il vit au ‘Den 12’.

Groupes à risque

“Cette maison est un maillon essentiel dans le traitement de personnes comme Loucas”, expliquent Raquel Rey et Noémie Nguyette, infirmières au Fonds des Affections Respiratoires (FARES.) En tant que gestionnaires de cas de tuberculose pour les groupes à risque, elles servent d’intermédiaires avec l’hôpital et d’autres services. « L’adhésion au traitement est souvent un problème pour ce groupe cible. Le principal obstacle, c’est l’absence de logement stable. » 

Survivre dans la rue laisse peu de place à la rigueur qu’exige un traitement médical. Suivre scrupuleusement une prise de médicaments devient secondaire face aux urgences du quotidien. « Et le traitement de la tuberculose n’est pas une partie de plaisir », commente Eva Mutuzo de l’association flamande pour les soins respiratoires et la lutte contre la tuberculose (VRGT). « Fatigue, nausées : il est difficile de suivre ce traitement comme il se doit quand on vit dans la rue. »

Et pourtant, c’est essentiel. La tuberculose est une maladie infectieuse traitée par antibiotiques. Les personnes qui ne suivent pas le traitement correctement, ou qui ne le suivent pas jusqu’au bout, risquent non seulement de retomber malades, mais aussi de développer une résistance. Les bactéries deviennent alors insensibles à certains antibiotiques, ce qui rend la tuberculose plus difficile à traiter.

Collaboration

Les deux associations travaillent ensemble à Bruxelles depuis 2015 pour améliorer l’adhésion au traitement chez les patients vulnérables atteints de tuberculose. Leurs patients, des personnes sans-abri généralement confrontées à des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie, ne sont en général pas les bienvenues dans les maisons d’accueil. Pour l’hébergement, les partenaires se sont associés à ‘De Vrienden van het Huizeke’ (‘Les Amis de La Petite Maison’), une maison de transit pour les personnes sans domicile fixe. 

Cette collaboration bénéficie du soutien du Fonds Dr Daniël De Coninck, géré par la Fondation Roi Baudouin, dans le cadre d’un appel encourageant les acteurs du logement et de la santé (mentale) à travailler ensemble pour améliorer l’accompagnement des personnes vulnérables et fournir des solutions alternatives à l’absence de logement. Ce soutien est un complément nécessaire aux ressources d’Action Damien et de la Commission communautaire commune.

Les équipes du FARES et de la VRGT organisent l’aide alimentaire et le transport vers les rendez-vous médicaux. Elles prennent aussi le temps d’expliquer la maladie et le traitement, de lever les tabous. Avec chaque personne, elles réfléchissent à la suite : que souhaite-t-elle après la phase infectieuse, lorsqu’elle n’est plus en isolement ? Si elle n’a nulle part où aller, mais peut vivre de manière autonome, le ‘Den 12’ des ‘Amis de La Petite Maison’ devient une option.

Le lieu a été délibérément choisi car il se trouve à deux pas de l’hôpital Saint-Pierre, où les patients sont suivis médicalement. « La tuberculose nécessite un traitement complexe. Au début, les patients doivent prendre jusqu’à dix pilules par jour, puis trois », explique Eva Mutuzo. « Nous leur apprenons progressivement à devenir responsables de leur traitement. » 

Accompagnement 

Outre le traitement médical, les patients sont accompagnés par Andy et Sofie. Elles examinent avec les résidents ce dont ils ont besoin et ce qu’ils veulent faire. Est-il possible d’obtenir des papiers ? Faut-il prévoir une carte d’identité ou s’affilier à une mutuelle ? La personne dispose-t-elle d’un revenu ou est-il possible de lui en obtenir un ? Un accompagnement budgétaire est-il nécessaire ?

« Les personnes  sans-abri aspirent à une vie comme celle de Monsieur et Madame tout le monde  », déclare Andy Vandermeersch.  Un foyer, un travail. « Il faut plus de six mois pour remettre une vie sur les rails. Nous avançons pas à pas et ouvrons des perspectives. » Parfois, le séjour dans le centre devient un tremplin vers un logement ou un emploi. Et puis, parfois, une carte postale arrive... pour remercier celles et ceux qui les ont soutenus, sans jugement. « Mais, la plupart du temps, nous devons modérer les attentes. » 

Avec Loucas, ils construisent ensemble un réseau de ressources : savoir où s’adresser pour un repas, un abri, des vêtements, des soins. Aujourd'hui, il va à la salle de sport pour reprendre des forces, cherche un endroit où apprendre le néerlandais et travaille quand il le peut.

Par ailleurs, les partenaires du projet se sont organisés pour intervenir dès que le besoin se fait sentir. « Si la discussion avec un patient s’enlise, nous nous relayons pour la relancer », explique Eva Mutuzo. En 2024, 21 patients ont bénéficié de ce suivi collectif. Ils peuvent également s’adresser à ‘La Petite Maison’ par la suite pour toute question.

« Cela ressemble parfois à un cadeau empoisonné », conclut Andy Vandermeersch. « Comme si on les laissait goûter à une vie normale pendant un certain temps, avant de les renvoyer à leur ancienne vie. » Et pourtant, chaque personne guérie est une victoire : pour la santé publique et pour la personne elle-même, qui va mieux et qui a trouvé des petites pistes capables de faire bouger les choses.

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