Le COVID-19 renforce la pauvreté : ce que les organisations de lutte contre la pauvreté nous disent
La crise sanitaire renforce la pauvreté dans notre pays. C’est ce qui ressort d’une vaste enquête menée auprès des organisations de lutte contre la pauvreté, dont les résultats sont publiés par la Fondation Roi Baudouin à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre la pauvreté (17/10).
Alors que tous les indicateurs sont au rouge et que le scénario d’un nouveau confinement se profile, la Fondation Roi Baudouin veut attirer l’attention sur les organisations de terrain qui, jour après jour, mènent un travail considérable pour aider les personnes en situation de pauvreté.
Les défis qui attendent le secteur ces prochains mois sont énormes, comme l’attestent les résultats d’une vaste enquête menée auprès des organisations de lutte contre la pauvreté soutenues par la Fondation lors de la première vague de COVID-19. À bien des égards, ces organisations méritent d’être soutenues et en particulier leurs collaborateurs et leurs nombreux bénévoles, qui font preuve de flexibilité, de créativité et d’engagement dans cette crise sans précédent.
Au printemps dernier, la Fondation Roi Baudouin a apporté son soutien à quelque 500 organisations de lutte contre la pauvreté qui s’investissent auprès des personnes vivant dans la précarité, en ce compris les personnes sans-abri et mal logées, en proie à de graves difficultés. Chacune a reçu, via une procédure accélérée, une enveloppe forfaitaire de 10.000 euros, ce qui représente un soutien total d’environ 5 millions d’euros.
Ces organisations ont partagé leurs points de vue sur l’impact de la crise, tant sur les personnes en situation de pauvreté que sur leur propre organisation.
• Pas moins de 80% des organisations ont vu leur public cible augmenter.
• S’agissant des groupes cibles, une augmentation des jeunes adultes (24% des organisations signalent une augmentation de ce groupe cible) et des familles monoparentales (46%) se dégage. De nombreuses organisations (44%) ont également constaté, outre une augmentation du nombre de réfugiés et de travailleurs migrants, un accroissement frappant du nombre de "personnes d’origine belge qu’elles ne connaissaient pas auparavant".
• 67% indiquent que les personnes dans la pauvreté sont confrontées à une "exacerbation" de leur situation problématique : les problèmes auxquels elles sont confrontées s’aggravent.
• 45% des organisations parlent également d’"élargissement" : leur public cible est confronté à de nouveaux problèmes, jusqu’alors inconnus.
"Je vais vous donner un chiffre important :
le 13 mars, nous touchions 5.465 personnes.
Le 20 mai, soit deux mois plus tard, ce chiffre s’élevait à 7.567.
Nous en sommes à près de 8.000 aujourd’hui."
Quels problèmes se sont aggravés en raison de la crise actuelle ?
La solitude arrive malheureusement en première position : les trois quarts (76%) des organisations perçoivent des signaux clairs de la part des personnes qu’elles touchent. Un isolement social (extrême) (32%) est également signalé. L’impact sur la santé mentale (44%), qu’il soit lié ou non à des tensions familiales, est important, témoignent les organisations. Il n’est pas non plus surprenant que la fracture numérique (50%) se soit également révélée problématique pendant le confinement.
Le manque d’accès à la nourriture (73%) et à une hygiène de base, comme des douches, du savon ou des vêtements (35%) est inquiétant. On signale également une augmentation de la forme la plus extrême de la problématique du logement : le sans-abrisme et le mal-logement visibles (25%) et cachés (29%) ont augmenté, selon les organisations.
Heureusement, la crise du coronavirus a également entraîné des éléments positifs pour les organisations de lutte contre la pauvreté : un grand nombre d’entre elles, et certainement les organisations bénévoles, font état d’un impact positif sur le lien avec leur public cible (77%), la collaboration avec les bénévoles (61%) et la notoriété locale de leur organisation (79%). Élément frappant : de nombreuses organisations (59%) affirment que la crise a eu un impact positif sur leur collecte de fonds ; cependant, plus de la moitié (53%) d’entre elles signalent également un recul de la santé financière de leur organisation elle-même.
"Cette expérience nous apprend qu’en tant qu’initiative locale, nous sommes capables d’agir de manière très souple et rapide.
Notre résilience et notre engagement ont été contagieux,
de nombreux citoyens et organisations ont rapidement apporté leur aide ! "
La créativité, la flexibilité et la résilience dont font preuve les organisations sont également frappantes : beaucoup d’entre elles ont bouleversé leur fonctionnement pour pouvoir (encore) mieux répondre aux nouveaux besoins de leur public cible.
Nous sommes aujourd’hui en pleine deuxième vague de coronavirus. Les personnes en situation de pauvreté risquent à nouveau d’être gravement touchées par les conséquences de la crise. À la veille de la Journée mondiale de lutte contre la pauvreté, il nous importe de souligner les efforts de toutes ces organisations, de leurs collaborateurs et de leurs bénévoles, mais aussi tirer la sonnette d’alarme : l’impact de la crise sur la pauvreté est immense, tant en ampleur qu’en profondeur.