@home, la maison d’accueil qui remet d’aplomb les jeunes sans-abri
À Bruxelles, cela fait dix ans que des jeunes sont accompagnés dans une maison d’accueil, ouverte par l’asbl Les Petits Riens. Ils sont sans-abri ou auraient pu le devenir. Le projet @home leur propose un toit, mais surtout, il permet à ces jeunes d’envisager d’autres futurs que la rue.
Mercredi après-midi, au sous-sol d’une maison de la commune de Forest, les vibrations d’un punching-ball raisonnent dans toute la charpente. "Ici je m’active tous les jours. Un de mes rêves serait de percer dans le sport", lance un jeune de 18 ans. Boxe, MMA, course à pied. Le jeune homme, qui préfère qu’on l’appelle ‘Z’ pour préserver son anonymat, est plutôt du genre battant. "Toute ma vie j’ai été livré à moi-même, alors je fais l’effort d’apprendre les choses tout seul", dit-il.
Il y a trois mois, Z s’est installé dans ce lieu discret, nommé @home, créé il y a plus de dix ans par l’asbl Les Petits Riens pour donner un appui à ces jeunes aux vies abimées. Seize jeunes hommes de 18 à 24 ans, sans-abri ou qui auraient pu le devenir, y sont accueillis. "Ce lieu sert à se rétablir, à se remettre sur pied quand tu es en galère", résume Z. Ici, on accueille des jeunes qui flirtent avec la rue, qui vivotent de solutions précaires en solutions précaires, sans perspectives d’avenir. On leur permet de rebondir.
"L’encadrement que reçoivent ces jeunes est axé sur l’occupation. La reprise d’études. Le suivi d’une formation. La recherche d’un travail", explique Corentin Letocart, qui dirige cette maison d’accueil, dont le but est d’agir avant que la spirale de l’exclusion ne les emmène trop loin. "Cela nous aide à ne pas traîner dans les rues, mais surtout, à se retrouver soi-même, et ça, c’est parfois compliqué", détaille Francesco, 21 ans, qui reconnait sortir "d’une période difficile" et qui réside chez @home depuis un mois. "J’ai eu des problèmes familiaux, j’ai dû partir de chez ma mère, je suis allé chez ma copine, puis chez des amis, j’ai fait le tour de la Belgique, je n’avais plus vraiment d’endroit où aller."
Une vie encadrée
La vie chez @home, ce sont des moments de convivialité, de discussions avec les travailleurs sociaux (présents 24h/24, 7j/7), mais c’est aussi la redécouverte d’un cadre, assez strict en semaine, plus souple le week-end, pour éviter l’indolence. Le soir, les jeunes doivent respecter des heures de coucher. Le matin, ils se présentent à 9h tapantes au ‘débriefing’, où l’on organise la journée à venir. Les tâches nécessaires à la vie collective entre les résidents sont distribuées : faire les courses, donner un coup de main au jardin potager, nettoyer, aller jeter les bouteilles en verre, cuisiner pour le repas commun du soir. Aujourd’hui, Z va préparer un hachis-parmentier. La perspective l’enchante : son projet professionnel est de travailler en cuisine. "Je me suis inscrit en école de cuisine. J’ai toujours cuisiné, depuis tout petit." Pour Z, le cap est clair : "Être totalement autonome, indépendant financièrement et continuer mes études. Je rêve un jour d’être chef."
Mais pour d’autres, le chemin est plus confus. Il est souvent difficile de se dépatouiller de ces parcours chaotiques, marqués par la violence. Septante pour cent des jeunes qui arrivent chez @home ont vécu des problèmes familiaux importants, dont des violences physiques ou psychologiques. "Ils ont souvent dû fuir leur foyer, ils n’ont plus de logement et ne savent plus où ils en sont", nous apprend Corentin Letocart. Parmi les résidents de la maison d’accueil, on trouve aussi des jeunes qui, à l’issue d’un parcours dans des structures de l’aide à la jeunesse se retrouvent, à leur majorité, "lâchés dans la nature", ajoute le directeur. Enfin, l’équipe d’@home constate que des jeunes en errance, "avec déjà un pied dans la rue", sont de plus en plus nombreux à demander le gîte et le couvert, moyennant un paiement inférieur aux prix du marché.
Une maison plus grande
À leur arrivée, les jeunes ont l’occasion de se poser un peu dans un cadre sécurisant. Puis, très vite, ils sont mis en position d’agir. On s’attaque d’abord à l’administratif. La mise en ordre de la mutuelle, du CPAS. Une guidance budgétaire est mise en place, d’autant qu’il faut parfois éponger des dettes. Les travailleurs sociaux évoquent régulièrement les projets des jeunes. Leurs envies. Leurs ambitions. "Nous partons de leur vécu pour en tirer un maximum de positif", explique Simon Toussaint, assistant social. Ceux qui n’ont pas de projet bien défini peuvent s’engager comme bénévoles aux Petits Riens ou suivre une formation de découverte de métiers. "Ce qu’on veut, c’est que ces jeunes se reconstruisent, qu’ils aient un maximum de bagage, et cela peut prendre du temps", ajoute Simon Toussaint.
La durée de séjour moyenne chez @home est d’environ quatre mois. L’accompagnement est intensif et l’équipe peut se prévaloir de bons résultats. Une grande majorité des jeunes – environ 70% – quittent la maison pour un logement stable et près de 80% d’entre eux retrouvent un revenu. Mais les besoins, à Bruxelles comme en Wallonie, sont immenses. Chaque jour, l’asbl reçoit une quinzaine de demandes d’hébergement. Les refus sont nombreux. Et inévitables. "Nous ne sommes qu’une petite goutte d’eau dans l’océan", résume Simon Toussaint. La petite goutte prendra bientôt un peu plus d’envergure. À l’été 2023, la capacité d’accueil d’@home passera de 16 à 21 lits. Les cinq places supplémentaires seront ouvertes, grâce à l’appui du Fonds Van Oldeneel tot Oldenzeel et du Fonds Christiane Stroobants, gérés par la Fondation Roi Baudouin, dans une maison unifamiliale qui permettra à des jeunes déjà autonomes de vivre un peu comme en colocation, avec le soutien de travailleurs sociaux à la présence moins marquée.
En attendant, dans la maison de Forest, Z énumère les prochaines étapes, très concrètes, de sa vie de jeune adulte : "Rester un an ici, le temps d’épargner un peu, et ensuite, pouvoir me payer une garantie locative." Et peut-être, au bout du chemin, la perspective d’une vie plus sereine.
À propos de l’action de la Fondation Roi Baudouin en faveur des jeunes sans-abris et sans chez-soi
Depuis 2020, la FRB se mobilise pour donner une impulsion à l’organisation de dénombrements récurrents et uniformes des personnes sans-abri et sans chez-soi en Wallonie et en Flandre. Parmi les 6.286 personnes dénombrées fin 2020 et fin 2021 dans neuf villes et régions du pays, 1.208 ont entre 18 et 25 ans – soit près d’un adulte en errance sur cinq. La FRB a demandé à des équipes de recherche (UGent, KU Leuven, UCLouvain) de se pencher sur ce public et son parcours de vie mouvementé.
La FRB a également choisi de mettre l’accent sur les jeunes adultes sans-abri et sans chez-soidans le cadre de ses appels à projets destinés à lutter contre cette problématique. En 2021, le Fonds van Oldeneel tot Oldenzeel a octroyé un soutien de 310.000 euros à sept organisations qui créent des logements pour jeunes adultes sans-abri et sans chez-soi, dont @home. En 2022, plusieurs Fonds de logement collaborent afin de soutenir neuf organisations, pour un total de 650.000 euros. Actif dans la Région de Bruxelles-Capitale, le Fonds Kornelia Dirichs a octroyé 400.000 euros en 2022 à des organisations qui travaillent autour des besoins des femmes (potentiellement) sans-abri et sans chez-soi.
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