Récit

A Ottignies, des logements aux confluents de la psychiatrie et du social

A Céroux-Mousty, dans la commune d’Ottignies, la Fondation Alodgî a acquis des logements qu’elle vend ou loue à des personnes atteintes de troubles psychiatriques. Le modèle, apprécié des locataires dont l’autonomie est renforcée, est en passe d’être dupliqué, avec l’aide de différents Fonds au sein de la Fondation Roi Baudouin, qui se focalisent sur la création de logements.

« Ici, j’ai trouvé du soutien et de la stabilité. » Pour Marcel, la vie ne fut pas une longue ligne droite, mais un enchaînement de courbes et de trajectoires brisées. « Je vivais en couple dans les Marolles à Bruxelles, j’avais un emploi, un logement, puis j’ai tout perdu, c’était une véritable descente dans les abysses », se souvient-il. Une séparation fit office de déclencheur. Un séisme émotionnel qui vient toucher les fondations de l’être. Marcel a vécu à la dérive. Pendant plus d’un an, il dormit dans sa voiture et, en bout de course, il y eut l’hôpital psychiatrique, dont il garde un souvenir amer. « Les hôpitaux me rendent malade. Ils me démoralisent. » L’initiative d’habitation protégée, destinée à l’hébergement de personnes issues d’hôpitaux psychiatriques, dans laquelle il a passé quelques années, n’a pas non plus trouvé grâce à ses yeux. « Le salon et la cuisine étaient partagés. Il faut subir les autres, et ça, plus jamais. » Le soutien et la stabilité, Marcel les a connus dans le logement qu’il occupe actuellement à Ottignies, accompagné par l’Association de Promotion du Logement (APL) ‘Alodgî’. Dans ce bâtiment, onze personnes atteintes de troubles psychiatriques vivent en autonomie dans leur appartement ; elles sont accompagnées par les travailleurs sociaux de l’association.

« Trop de personnes, après une période de soins psychiatriques, retournaient dans des lieux de vie qui n’étaient pas adaptés, et beaucoup ont des problématiques de ‘sans chez-soi’ », atteste Alexis Vanderlinden, assistant social chez Alodgî. C’est en partant de ce constat que la fondation Alodgî a été créée il y a plus de dix ans, dans l’idée de façonner, sur mesure, un parc immobilier pour personnes atteintes de troubles psychiques. Cinq structures s’étaient alors unies pour mener à bien ce projet : l’association de familles de patients Similes, l’association de patients Psytoyens, les Mutualités Chrétiennes, l’Agence Immobilière Sociale du Brabant Wallon et la clinique Saint-Pierre d’Ottignies.

Car au sortir de l’hôpital, ces personnes se replient vers leur famille. Beaucoup sont contraintes de vivre dans un abri de jardin, un grenier, une chambre trop petite ou sans fenêtre. Certaines d’entre elles finissent leur parcours en rue ou en maisons d’accueil, aux confins du sans-abrisme. « En psychiatrie, les patients ont besoin de stabilité, explique Benoît Van Tichelen, président de la fondation Alodgî et directeur du service de santé mentale ‘Entre-mots’, à Ottignies. En situation de mal-logement, il n’est pas rare que d’anciens patients décompensent. »

Vers une duplication du modèle

C’est sur le modèle du ‘Community Land trust’ que la fondation Alodgî a pu acquérir ces biens immobiliers. Le terrain appartient à la fondation et les logements génèrent des revenus soit, pour partie, par leur vente à des bénéficiaires du projet, soit par leur location, toujours au public-cible de l’association – à des tarifs inférieurs à ceux du marché.

Dans le bâtiment d’Ottignies, les résidents sont tout à fait autonomes. Ils savent qu’en cas de besoin, ils peuvent se tourner vers le service social d’Alodgî, lui-même en lien étroit avec le service de santé mentale ‘Entre-mots’ ou avec l’équipe mobile de soins psychiatriques de la clinique d’Ottignies.

Chaque semaine à midi, les résidents sont invités par Alodgî, dans le cadre convivial de l’espace commun, autour d’une soupe, pour « parler de tout et de rien, mais aussi de leurs soucis administratifs, personnels ou des problèmes liés au collectif », recense Alexis Vanderlinden. Pour Benoît Van Tichelen, « les logements ‘Alodgî’ ont le mérite de rassurer les familles, qui savent que quelqu’un veille sur leur enfant ou leur proche, au-delà d’eux-mêmes ». Et puis, ajoute l’assistant social d’Alodgî, « les premiers à veiller les uns sur les autres, ce sont les résidents eux-mêmes, qui sont sensibles aux enjeux de santé mentale ».

Pour Véronique, locataire à Ottignies depuis maintenant dix ans, la possibilité de s’installer dans ce logement a été salvatrice. Après neuf mois d’hospitalisation psychiatrique puis cinq ans en IHP, elle a pu « vivre en appartement comme tout un chacun, mais avec l’encadrement de l’équipe, qui permet qu’on se sente soutenu et protégé ». Ce modèle, à l’intersection de l’action sociale, du logement et du soin psychique, Alodgî souhaite le répliquer. Pour ce faire, la fondation a acquis, en juin 2023, un autre bâtiment destiné à accueillir cinq personnes aux fragilités diverses, avec l’aide de différents Fonds gérés par la Fondation Roi Baudouin, qui visent à la création de logements supplémentaires.

"En psychiatrie, les patients ont besoin de stabilité."
Benoît Van Tichelen
président de la fondation Alodgî et directeur du service de santé mentale ‘Entre-mots’

A Ottignies, le mur d’Alodgî est surplombé d’un logo métallique. C’est Marcel, ancien soudeur, qui l’a créé de ses mains. Chaque lettre est courbée d’angles doux et de volutes. Le mot semble enraciné et en suspension. Comme un symbole de cette stabilité retrouvée, bien que fragile, par les locataires du bâtiment de Céroux-Mousty.

A propos de l’appel à projets ‘Création de logements pour les personnes sans-abri et sans chez-soi’

Par le biais d’un appel à projets, divers Fonds gérés par la Fondation Roi Baudouin ont déployé conjointement leurs ressources afin de favoriser la création de solutions de logement supplémentaires pour les personnes en situation de sans-abrisme et sans chez-soi. Il s’agit du Fonds Baronne Monique van Oldeneel tot Oldenzeel, du Fonds Gilbert Tuts, du Fonds Zocchi, du Fonds Georges - Marie Vandermeir et du Fonds sans-abrisme. Grâce à leurs contributions, dix projets de création de logements pour personnes sans-abri et sans chez-soi ont été soutenus en 2022. Plus d’infos

A propos des dénombrements du sans-abrisme et de l’absence de chez-soi

Pour la quatrième année consécutive, la Fondation soutient les équipes de recherche de l’UCLouvain (CIRTES) et de la KULeuven (LUCAS) dans la réalisation de dénombrements du sans-abrisme et de l’absence de chez-soi en Belgique. Ceux-ci auront lieu le 20 octobre 2023. Plus d'infos

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