Récit

La Villa 24 : un toit pour aider les personnes sans-abri à rebondir

2025

« Ici, je ne me sens plus comme ‘quelqu’un de la rue’ mais comme quelqu’un de vivant. »
Luc
Locataire de la Villa 24

La Villa 24 vient d’ouvrir ses portes à Saint-Marc (Namur), grâce au soutien du Fonds La Rainette, géré par la Fondation Roi Baudouin. Une formule d’aide au logement tout à fait singulière dans la panoplie d’accompagnement des personnes sans-abri de la cité mosane. Car, bien au-delà de simples murs et d’un toit, elle offre à ses occupants paix et sécurité, gages d’une stabilisation psychique et d’une réinsertion sociale à long terme. 

Ils s’appellent Didier, Luc et Dylan. Trois hommes seuls qui, depuis quelques mois, partagent un logement pas vraiment comme les autres à Saint-Marc, dans la périphérie verte de Namur. Extérieurement, pourtant, leur habitation se fond parfaitement dans l’alignement de villas quatre façades de ce village plutôt cossu. Au loin, le toit d’une ferme. En prolongation du jardin, de vastes prairies où pâtureront bientôt les vaches. Une fois le hall d’entrée franchi, on pénètre dans un living qui frappe par sa luminosité. 

Ce n’est qu’en discutant avec les occupants qu’on saisit pleinement la singularité des lieux. Didier, Luc et Dylan ont connu la galère pendant de longs mois. La manche dans les rues de Namur. La recherche effrénée d’un toit chaque soir, tantôt dans des squats sordides, tantôt dans les maisons d’accueil, tantôt sur le béton des parkings du centre-ville. La rudesse du quotidien, l’insécurité permanente, la difficulté de se projeter dans l’avenir. Et, en toile de fond, la tentation d’addictions diverses.

Se relancer dans la vie 

Depuis fin 2024, ils vivent à la Villa 24 en paix. Loin de la ville et de ses attractions malsaines. En échange d’un loyer modeste proportionnel à leurs capacités financières respectives, le Relais Social Urbain Namurois a mis à leur disposition cette villa composée de quatre chambres et d’un studio central. 

Ce projet de logement de transition et de réinsertion a été rendu possible grâce au soutien du Fonds La Rainette, géré par la Fondation Roi Baudouin. Lors de son départ à la retraite, un industriel et son épouse  ont décidé d’alimenter ce Fonds à hauteur d’une coquette somme. De quoi acquérir la villa à Saint-Marc, mais aussi d’autres bientôt à Verviers, Visé, Liège, Charleroi, Bruxelles… « Nous voulons aider les jeunes qui n’ont pas eu la chance d’avoir un milieu porteur à se propulser dans la vie », explique le couple. « Grâce à l’intervention de moyens privés mis à disposition par le Fonds La Rainette, nous n’avons pas d’amortissements à prévoir. Nous pouvons donc offrir un loyer raisonnable aux locataires », ajoute Olivier Hissette, Coordinateur du Relais Social Urbain Namurois.

Selon les dénombrements des personnes sans-abri et sans chez-soi organisé à l’initiative de la Fondation Roi Baudouin fin 2021, 1.146 personnes ne disposent pas d’un abri ni d’un chez-soi à Namur. Si Didier, Luc et Dylan, bientôt rejoints par un quatrième occupant, ont été invités à vivre dans cette maison, c’est parce qu’ils étaient d’accord avec cette vie communautaire et pas (encore) prêts à vivre seuls. Selon la logique Housing First, partenaire étroit de l’opération, un logement sûr et stable est la condition préalable à toute possibilité de réinsertion psycho-sociale. 

Les équipes FISSA (autre partenaire du projet), Housing First et le coach en affiliation sociale interviennent une fois par semaine, tant pour l’organisation de la vie collective que pour répondre aux demandes individuelles. « La Villa 24 (du numéro occupé dans la rue) est donc un projet solidaire, sur mesure et accompagné », insiste la psychologue du FISSA.

Stabiliser les locataires : tel était le mot sur toutes les lèvres, lors de l’inauguration des lieux soigneusement préparée (et avec quelle fierté !) par le premier trio d’occupants. Pour y aider, des règles de ‘bien-vivre ensemble’ ont été co-construites par les locataires, avec le soutien des équipes de terrain.

« Je ne suis plus le même »

Issu d’une famille brisée qu’il ne voit plus, Dylan, 23 ans, nous fait visiter les lieux. « Depuis que je suis ici, j’ai des projets qui défilent dans ma tête. Je voudrais quitter Namur, arrêter le cannabis*, retrouver du travail ou suivre une formation. Peut-être essayer de revoir mes parents. Ma mère me manque… ». Didier, lui, a retrouvé le plaisir de marcher en se promenant dans le village et les bois des alentours. Il se sent bien, à distance des deals et trafics du centre-ville. Quant à Luc, le doyen des lieux, il jouit pleinement de l’apaisement procuré par ces murs, loin des tensions et du stress permanent de la vie à la rue. « Avant, je ne parlais plus qu’à une seule personne : mon assistant social. J’étais dans du no future. Ici, je ne me sens plus comme ‘quelqu’un de la rue’ mais comme quelqu’un de vivant ».

Chacun restera ici quelques semaines, quelques mois ou plus. Le temps nécessaire, avec tous les intervenants, de rebondir et de se projeter avec confiance et pourvu de meilleurs outils, dans un nouveau projet de vie. 

*La consommation de substances addictives est interdite dans les espaces communs de la Villa 24

Autres récits
Un engagement qui inspire !

L’expérience à l’origine du rôle d’agent de liaison en Afrique

Europe et International

« Il faut de l’intégrité et de la curiosité. »
Deogratias Niyonkuru
Lauréat du KBF Prix Afrique 2015, inspirateur de la fonction d’agent de liaison

La Maison Suzanne Generet, un projet de logement solidaire au cœur de Bruxelles

Vieillir en bonne santé

« Le logement est le premier critère qui permet de vivre dignement »
Pierre Thomas
Asbl Renovassistance

Une expérience immersive pour les aveugles et malvoyants au Musée de la Bande Dessinée

Justice sociale et pauvreté

"Nous voulons tendre vers une ergonomie optimale pour nos visiteurs avec une déficience visuelle"
Jérôme Puigros-Puigener
Responsable d’accueil