Apprendre à vivre ensemble
La mission de Communa asbl est claire : occuper temporairement des bâtiments vides à Bruxelles pour que des personnes puissent y vivre ou pour mettre en place d'autres initiatives, afin d'avoir un impact positif à long terme sur la ville. Dans un quartier de logements sociaux à Evere, l’asbl a lancé le projet Sorocité, un logement temporaire à petite échelle pour les femmes en situation de sans-abrisme, en collaboration avec Housing First et d'autres acteurs. Grâce aux moyens du Fonds Kornelia Dirichs, géré par la Fondation Roi Baudouin, les occupantes peuvent utiliser le ‘Cocon gourmand’, un espace commun solidaire ouvert aux femmes du projet et du quartier.
La cuisine du ‘Cocon gourmand’ est en pleine effervescence. Trois fois par semaine, les travailleurs de Communa cuisinent avec les occupantes du projet. Ils utilisent autant que possible les ingrédients de leur propre potager et les aliments de récupération provenant des associations du quartier. Ils mangent ensemble et d'autres habitants du quartier peuvent se joindre à eux. Par beau temps, la table est dressée à l'extérieur.
Le ‘Cocon gourmand’ est installé dans l'un des appartements qu'Everecity, une société de location sociale, met à la disposition de Communa. Six immeubles de logements sociaux situés sur le site seront démolis en 2028. Les locataires sociaux traditionnels obtiendront d'autres logements, ce qui créera des propriétés vacantes. Et Communa en profite depuis l'automne 2020 pour créer des logements temporaires, en collaboration avec ses partenaires Housing first : Infirmiers de rue, Stepforward, Diogènes, SMES-B et Antonin Arthaud. La Commission communautaire commune de Bruxelles-Capitale (CGC) soutient Sorocité et assure le financement du projet.
"Au ‘Cocon gourmand’, nous faisons toutes sortes de choses ensemble", explique Simon Dujardin, coordinateur sociocommunautaire chez Communa. "Nous testons nos idées afin de développer une nouvelle méthodologie. Nous proposons des activités ludiques, sportives ou créatives, ou nous cuisinons ensemble. Mais il y a aussi de la place pour l'éducation, autour de la communication, du développement personnel, de la fixation de limites, de l'apprentissage du ‘non’, de l'entretien d'un logement ou de petites réparations." "Et le compostage", ajoute German Benitez, coordinateur technique. "Nous avons récemment installé un compost de quartier en collaboration avec Worms asbl, qui a dispensé une formation sur sa bonne utilisation."
Communa ne se contente pas de fournir des logements. Tout au long de son fonctionnement, elle promeut simultanément des projets d'intérêt collectif. À Sorocité, Communa ne se concentre donc pas seulement sur le lien entre occupantes temporaires, mais aussi avec la région environnante et la cohésion sociale avec le quartier.
"Il n'a pas été facile pour les résidents d'origine, dont beaucoup étaient déjà âgés, d'accepter le nouveau groupe de femmes", explique Simon, "mais petit à petit, cela fonctionne. Nous apprenons à mieux nous connaître. Tous les habitants du quartier sont les bienvenus à nos activités. Une fois par mois, nous organisons une grande sortie. Nous allons à la mer, nous visitons les serres royales ou nous nous rendons à Pairi Daiza. Les habitants des logements sociaux sont les bienvenus pour nous accompagner."
Géré par la Fondation Roi Baudouin, le Fonds Kornelia Dirichs soutient les femmes sans-abri de la Région de Bruxelles-Capitale. Grâce aux moyens de ce Fonds, Communa a pu recruter un animateur pour gérer au quotidien le ‘Cocon gourmand’ et assurer une permanence dans les locaux. L'aménagement du local a également pu être pris en charge et un vélo électrique a été acheté. "Cela a beaucoup facilité les courses et la mobilité de l'équipe", explique M. German.
Le ‘Cocon gourmand’ abrite également une laverie sociale depuis 2022, en collaboration avec l'asbl Plouf ! Les habitantes de la Sorocité et les gens du quartier peuvent venir y faire leur lessive et prendre un café. Plouf ! a installé un certain nombre de machines à laver et permet aux gens de se rencontrer. Non seulement le lavage chez Plouf ! est beaucoup moins cher, mais pour les habitants du quartier, c'est aussi moins loin et jamais ennuyeux ; il y a toujours quelque chose à faire.
"Nous voulons responsabiliser les habitantes de la Sorocité, les rendre plus autonomes. Nous avons un Conseil des habitantes lors duquel nous nous engageons, mais nous les écoutons aussi dans nos contacts quotidiens, plus informels", explique Simon. "Ce que nous faisons dans le ‘Cocon gourmand’, nous l'adaptons autant que possible à leurs besoins. Et nous leur proposons des informations sur des sujets qui les concernent, par exemple la gestion énergétique de leur appartement. Nous sommes dans l'écoute active et non dans le jugement. Nous travaillons, même si, bien sûr, des règles et des accords sont nécessaires pour vivre ensemble. Les personnes qui ont vécu longtemps dans la rue manquent parfois de certaines compétences et habitudes que la plupart des gens considèrent comme acquises. En misant sur une bonne entente, et grâce à notre proximité, nous apprenons à vivre ensemble".
Pendant ce temps, l'ambiance à la table reste bonne. Des gens partent, d'autres arrivent. "J'ai envie de faire un gratin aux chicons", confie l'une des résidentes. "La liste des courses est déjà prête". Tout le monde est enthousiaste, on se met d'accord sur qui prendra le lead de la cuisine, qui viendra aider, qui fera les courses. Simon et German sont satisfaits : "Cette dynamique s'est installée petit à petit, avec le temps. Au début, nous faisions tout nous-mêmes : la cuisine, la vaisselle, le ménage... Entre-temps, les occupantes prennent elles-mêmes plus d'initiatives, elles voient davantage ce qu'il est possible de faire et comment. Notre façon de travailler porte ses fruits."
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