Des philanthropes font rayonner les musées

Grâce au soutien du Fonds Dewez et du Fonds Orcona, gérés par la Fondation Roi Baudouin, le Musée d’Ixelles et Mu.ZEE à Ostende ont pu bénéficier d’acquisitions importantes pour leurs collections et leurs recherches.

« Nous sommes des Belges ‘moyens’. Mon épouse Isabelle et moi, nous avons mené une carrière à l’international et nous avons fait de bons placements. Nous nous sommes retrouvés avec un surplus financier. Nous en avons donné une partie à nos enfants, pour qu’ils puissent faire leur vie, assumer leurs choix. Et le reste, nous voulions en faire quelque chose d’utile de notre vivant », explique Philippe Dewez. Avec ce louable objectif, Isabelle et Philippe Dewez se sont tournés vers la Fondation Roi Baudouin. En 2022, ils ont créé le Fonds Dewez, qui repose sur deux axes : l’éducation, à travers un soutien à Boost, le programme de développement des talents de la Fondation, et le patrimoine, à travers le financement d’acquisition d’œuvres pour les Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique et le Musée d’Ixelles. « Notre but est d’aider ces deux musées à compléter leurs collections », précise Philippe Dewez.

Deux œuvres majeures pour le musée d’Ixelles

Grâce au Fonds Dewez, et avec la participation directe de Monsieur et Madame Dewez, la Fondation Roi Baudouin a récemment acquis deux pièces pour le musée d’Ixelles. La première est une œuvre  du sculpteur belge expressionniste Oscar Jespers (1887-1970) représentant la galeriste Blanche Charlet dans un style Art Déco. La seconde est un tableau du peintre belge Valerius De Saedeleer (1867-1941), lui aussi attaché au mouvement expressionniste.

« L’objectif de ces deux acquisitions est de compléter notre puzzle historique », souligne Claire Leblanc, directrice-conservatrice du Musée d’Ixelles. « Ces deux artistes étaient mal ou pas représentés dans nos collections. C’était un critère prioritaire pour nos choix. Et puis, ce sont deux œuvres de grande qualité, très représentatives des artistes mais aussi des courants auxquels ils se rattachent. Ce sont deux œuvres tout à fait muséales, en cohérence avec notre ADN qui est de tracer une histoire de l’art belge. Pour nous, c’est assez rare d’avoir un contact avant même la donation. Parce que souvent, les donations sont signifiées sous forme de legs et se concrétisent après la mort du donateur. Ici, c’est un projet que nous avons pu coconstruire ensemble avec Philippe et Isabelle Dewez. Cela a été un parcours très riche. Même s’ils nous laissaient carte blanche, pour nous, c’était important que l’on sente qu’ils aimaient les œuvres qui allaient entrer au musée par l'intermédiaire de la Fondation Roi Baudouin. »

Soutien à Mu.ZEE

« Ayant une grande passion pour l’art du 19e siècle ainsi que les mouvements impressionniste et moderne et ayant des fonds qui dépassaient ses besoins privés, un mécène gantois a décidé durant l’été 2023 de créer le Fonds Orcona », souligne Sabine Taevernier, présidente du Fonds. « Préférant l’anonymat, il m’a désignée en tant que porte-parole. Son objectif est de soutenir les musées flamands de taille moyenne et spécialisés dans son époque de prédilection. Les artistes belges sont donc à l’honneur, mais la Belgique étant à cette époque une plateforme internationale importante, les artistes étrangers jouant un rôle sont également pris en considération. L’action du Fonds se traduit par différentes actions : l’achat d’œuvres qui sont cédées en prêt à long terme aux musées, le soutien à la restauration d’œuvres importantes et à la recherche au sein des collections -ce qui est le cas avec l’acquisition du fonds d’archives Ensor, qui vient plus que doubler le fonds existant et fait de Mu.Zee un centre de recherche dédié à James Ensor- et la collaboration avec d’autres fonds pour des projets plus vastes. »

À Ostende, Mu.ZEE, dédié aux arts visuels belges de 1860 à nos jours, a pu en effet bénéficier de deux acquisitions de premier plan grâce au Fonds Orcona. D’une part, un tableau du peintre et graveur gantois Albert Baertsoen (1866-1922), proche de James Ensor et résidant régulièrement à Ostende, représentant le petit village de Mariakerke (ville d’Ostende). « C’est une œuvre importante dans la carrière de Baertsoen », précise Stefan Huygebaert, conservateur à Mu.ZEE. « Mais elle complète également deux autres tableaux du même endroit, l’une par Ensor et l’autre par Anna Boch. » D’autre part, le Fonds Orcona a pu acquérir pour Mu.ZEE un important fonds d’archives concernant James Ensor.

Dans les deux cas, les œuvres et les documents restent la propriété de la Fondation Roi Baudouin, et sont mis à disposition du musée. « Le fait de vouloir posséder absolument quelque chose est pour moi une manière de penser dépassée », souligne Dominique Savelkoul, directrice de Mu.ZEE. « Ce qui est beaucoup plus important, c’est que nous puissions disposer des œuvres d’art ou des archives, pour faire des recherches et partager les résultats de ces recherches. Il n’est pas nécessaire que nous en soyons nous-mêmes les propriétaires. L’accessibilité aux œuvres ou aux archives est bien plus importante que leur propriété. Dans cette dynamique, la Fondation Roi Baudouin joue un rôle d’élément de liaison entre deux parties qui ne se seraient pas trouvées autrement. »

Faciliter les projets des philantropes

« Le premier rôle de la Fondation a été de donner vie concrètement aux souhaits des fondateurs des deux Fonds », souligne Anne De Breuck, coordinatrice de projets à la Fondation Roi Baudouin dans le domaine du patrimoine. « Elle joue un rôle de facilitateur. » Philippe Dewez, de conclure : « Le plus difficile, quand vous voulez faire des dons de cet ordre, c'est de trouver des organisations valables, qui permettent de réaliser les objectifs sans qu’une grande partie de l’argent ne disparaisse dans le fonctionnement de la structure. La Fondation propose un grand panel d’options. Ils connaissent tout le monde et tout le monde les connaît. Ils vous écoutent et en fonction de vos souhaits, ils vous aiguillent dans la bonne direction. »