
Au CREAVES, les animaux sauvages sont soignés pour être relâchés
L’an dernier, nous avons accueilli 3.406 animaux de 127 espèces différentes. En période délicate, il y aurait ici du travail à temps plein pour 15 personnes !
Avec ses homologues wallons, le CREAVES de Namur, à Temploux, recueille et soigne les animaux sauvages blessés ou affaiblis. Tout est fait pour les remettre ‘sur pattes’, afin de les relâcher dans la nature en bonne santé. Médicaments, nourriture et équipement spécialisé sont indispensables à ce travail largement assumé par des bénévoles. En 2024, huit éleveuses professionnelles ont été acquises grâce au soutien du Fonds Eole-Lien Solidaire, géré par la Fondation Roi Baudouin. Une véritable pouponnière qui tourne aujourd’hui sans relâche. Et qui voit grand…
« Il va faire très chaud dans les jours qui viennent. On peut s’attendre à un gros arrivage de mésanges, moineaux, martinets… tombés du nid et assoiffés ». Une après-midi de juin 2025. Romain De Jaegere, coordinateur du Centre de Revalidation des Espèces Animales Vivant à l’Etat Sauvage (CREAVES) de Namur, est au four et au moulin. En vingt minutes à peine, trois personnes se sont présentées dans le petit conteneur d’accueil avec, en main ou dans une caisse, un animal blessé à diagnostiquer, nourrir et soigner. Un jeune choucas aux plumes encore peu formées, tombé du nid dans un jardin. Un hérisson en piètre état, probablement victime de comprimés anti-limaces ou anti-rats. Un jeune moineau à la patte cassée trouvé dans un parc.
« Je ne lui ai rien donné… » explique la ‘découvreuse’ du choucas. « Vous avez bien fait », répond Romain. « Ne jamais donner de l’eau à un oiseau ! On va le réhydrater en prenant les précautions nécessaires ». La dame lui demande aussitôt si elle pourra venir chercher son choucas remis sur pattes. Avec diplomatie, celui qui est aussi biologiste et guide-nature lui répond que son protégé, si tout va bien, sera mêlé à d’autres choucas convalescents, puis relâché avec eux. Façon subtile de rappeler le principal objectif du CREAVES : relâcher dans leur milieu naturel les animaux blessés ou affaiblis ayant nécessité repos et/ou soins.
« L’année dernière, nous avons accueilli ici 3.406 animaux de 127 espèces différentes, dont 1.228 hérissons », commente Romain. « Nous croulons sous les demandes. On vient parfois nous trouver depuis Virton ou Tournai. Certains centres CREAVES renvoient vers nous quand ils sont saturés. En période délicate (mai, juin et juillet), lorsque les jeunes animaux sont nombreux (nous avons alors jusqu’à 30 à 40 dépôts par jour), il y aurait ici du travail à temps plein pour 15 personnes ! »
Un travail au compte-gouttes
Il n’y a pourtant, à Temploux, qu’un seul poste fixe pour compléter celui de Romain. L’essentiel des troupes, dans ce CREAVES comme dans les 18 autres de Wallonie, est bénévole. « Je gère une centaine de personnes motivées, dont la disponibilité est évidemment très variable. Il faut jongler avec les horaires ». Marie, 30 ans, fait un stage d’étudiante en soins animaliers. Soigneusement gantée, elle nourrit à la seringue et la pince à épiler sept ou huit jeunes mésanges bleues qui ouvrent grand leur bec impatient vers l’apprentie soigneuse. Ce travail de bénédictine lui prendra une bonne partie de l’après-midi car le conteneur où elle officie abrite aussi de jeunes merles, verdiers, étourneaux… tout aussi affamés.
Protocoles de soins et de lâchers
Certains oiseaux sont disposés dans des éleveuses professionnelles, sortes de boîtes vitrées et éclairées en douceur, dont l’écran digital indique la température et le taux d’humidité. Ces huit éleveuses de taille différente ont été achetées en 2024 grâce au soutien du Fonds Eole-Lien Solidaire, géré par la Fondation Roi Baudouin. Il a pour objectif de stimuler le développement de projets éthiques et solidaires dans la région de Namur (plus particulièrement à Temploux et ses environs) dans le domaine de l’énergie et de la biodiversité. « J’adore être ici », commente Marie. « Il faut nourrir et nettoyer – beaucoup ! – mais aussi observer attentivement les animaux et, ensuite, en référer aux soigneurs pour qu’ils puissent appliquer les protocoles définis par la vétérinaire. Le plus dur, ce sont les euthanasies, quand plus rien n’est possible pour eux… ».
Corine, 64 ans, est bénévole ici depuis plus de trois ans. Tuyau d’arrosage à la main, elle nettoie à grandes eaux les cages des fouines et de martres confiées au centre. L’une d’elle a été retrouvée dans une caisse abandonnée sur une aire d’autoroute, les autres ont été chassées par des travaux de rénovation de maisons particulières. Infirmière et enseignante, Corine a fait un épuisement professionnel mais, aujourd’hui, elle éprouve un plaisir énorme à continuer à apprendre tous les jours. « Faire des piqûres et soigner des plaies, ça, je connaissais ! Mais, depuis que je viens ici, je ne cesse de lire sur les animaux, je fais des sorties nature, je reconnais les chants d’oiseaux, etc. J’ai retrouvé du sens ».
Coups durs et projets
La visite se poursuit mais, soudain, le visage d'Anthony apparaît à la sortie de la salle de soins. Il faut de longues secondes à l’autre employé du CREAVES pour trouver des mots : le milan royal est mort ! Ce rapace (rare) était soigné ici depuis deux mois après avoir été criblé de plombs de chasse. Une équipe vétérinaire avait opéré avec succès son aile fracturée, il se portait à merveille et devait être relâché le week-end prochain en compagnie d’une poignée de ‘découvreurs’ donateurs. C’est la stupeur ! Personne ne comprend. Les larmes d’Anthony ne sont pas loin. « Ce genre de nouvelle provoque une onde d’abattement dans l’équipe », soupire Romain, lui aussi dépité, en se dirigeant vers la cage d’envol des oiseaux. Mais c’est la vie d’un CREAVES : beaucoup de joie, le sentiment de faire un travail très utile, mais aussi les inévitables coups durs… « Il va falloir regonfler le moral des troupes ».
Dans quelques mois, le centre quittera son site actuel, situé en pleins champs, pour gagner celui d’une ancienne carrière située à Floreffe : huit hectares au total, incluant un vaste plan d’eau à l’abandon. Avec cette nouvelle implantation, le renforcement de la dimension éducative du CREAVES sera l’un des principaux défis de l’équipe : organiser davantage de balades publiques, entreprendre la restauration écologique du site, installer une station de baguage d’oiseaux, déconstruire les mauvais réflexes souvent adoptés par le public en présence d’animaux sauvages, etc. Il y aura du boulot !
Or, aujourd’hui, les subsides du centre ne couvrent que 35 % des dépenses, à raison d’un coût moyen de prise en charge de 62 euros par animal. Les médicaments et la nourriture, parfois très spécifique, forment le poste budgétaire le plus lourd. Sans oublier le projet d’acquisition d’un appareil radiographique (50.000 euros) dont Romain et ses collaborateurs attendent beaucoup. « Il permettra de gagner du temps dans le diagnostic. Le recours à des vétérinaires extérieurs ne sera plus systématiquement nécessaire. Davantage d’animaux seront sauvés ». Car, au fond, c’est bien cela, l’essentiel.
À propos du Fonds Eole-Lien Solidaire
Créé au sein de la Fondation Roi Baudouin en 2023, le Fonds Eole-Lien Solidaire stimule le développement de projets éthiques et solidaires dans le domaine des énergies renouvelables et de la biodiversité dans la région de Temploux. Depuis sa création, il a déjà organisé deux appels à projets et soutenu 8 projets, pour un montant total de quelque 40.000 euros. Le CREAVES de Namur est l’une des organisations lauréates du Fonds.
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