Unago, le bon ‘match’ entre anciens détenus et employeurs

Unago aide des entreprises à recruter des employés motivés parmi d’anciens détenus. Pour y parvenir, l’association mise sur la pédagogie et s’emploie à déconstruire les préjugés. Grâce au soutien de ‘Shaping the Future’ une initiative de différents Fonds gérés par la Fondation Roi Baudouin Unago pourra embaucher une personne dédiée spécifiquement à la réinsertion des jeunes. Un enjeu de taille, car au-delà de l’emploi, c’est aussi la récidive qu’elle cherche à prévenir. 

À Bruxelles, Ismaël a dû affronter bien des obstacles pour trouver un emploi. « J’ai beaucoup galéré. J’ai fait pas mal de formations, d’intérim, des missions très courtes, parfois très dures, puis on ne vous rappelle plus, et ça recommence. C’était la déprime. » Et pourtant, le jeune homme ne manquait ni d’envie ni de motivation. Son passé judiciaire, marqué par un court passage en prison puis par le port d’un bracelet électronique, agissait invariablement comme un repoussoir pour beaucoup d’employeurs. « Avoir un tel passé, ça rend extrêmement difficile de trouver un emploi. Certains patrons nous cataloguent d’emblée comme ‘mauvais’ », déplore Ismaël.  

Mais, en quelques mois, tout a changé. Grâce au coup de pouce d’Unago, une association bruxelloise d’un nouveau genre, Ismaël a pu décrocher un emploi chez Wolfmat, une entreprise qui fournit du matériel de chantier. Il y est employé en tant que magasinier. « Je réceptionne les commandes, je gère les entrées et les sorties, je m’occupe du dépôt, tout ça en CDI et pas mal payé. Les patrons sont humains et ne sont pas là pour juger. Honnêtement, je ne m’attendais pas à décrocher un tel contrat. »  

Une véritable agence de recrutement 

Unago, c’est bien plus qu’une asbl bruxelloise. L’association met en lien d’anciens détenus en recherche d’emploi et des entreprises en demande de recrutement. « Nous sommes une association sans but lucratif, mais nous nous positionnons comme une véritable agence de recrutement, à l’écoute des besoins des entreprises partenaires », explique Coraline De Spirlet, qui a fondé l’association qu’elle gère désormais aux côtés d’Aloïse Louis. 

Criminologue de formation, Coraline De Spirlet a voulu s’engager très tôt contre l’injustice qui touche, selon elle, les détenus et anciens justiciables, trop souvent perçus comme ‘dangereux’ et particulièrement stigmatisés sur le marché de l’emploi. Au début de sa carrière, elle réalise vite que les taux de récidive diminuent considérablement lorsqu’une insertion par l’emploi est rendue possible. Mais les plafonds de verre s’érigent comme autant d’obstacles après la détention. « Mon idée était qu’il fallait agir en prévention de la récidive, en actionnant le levier de l’emploi », ajoute-t-elle. Pour ce faire, Unago part à la rencontre d’employeurs dans des secteurs très divers, notamment ceux qui subissent des pénuries de main-d’œuvre, comme la construction, la logistique, l’Horeca. Il faut alors convaincre les entreprises, casser les préjugés et, peu à peu nouer des partenariats avec des structures volontaires.  

Unago compte une vingtaine d’entreprises partenaires. Parmi elles, il y a Embelco, entreprise de transport d’œuvres d’art, qui embauche désormais deux anciens détenus orientés par Unago. Son directeur, Nils De Chevigny, a vite été séduit par l’initiative d’Unago, « car cela a du sens de donner de nouvelles chances à des gens qui en ont besoin ». Jusqu’à présent, ce pari s’avère gagnant : « j’ai été positivement surpris par la volonté de ces deux salariés de bien faire et de performer ». 

Tisser un lien de confiance 

L’association a tissé des liens avec la maison de justice de Bruxelles, des associations spécialisées ou le centre de détention de Berkendael, afin d’entrer en contact avec d’anciens détenus prêts à chercher un emploi. Unago mène des entretiens approfondis, ainsi que des bilans de compétences, une analyse personnalisée et des préparations aux entretiens d’embauche. On tâtonne, on échange, jusqu’à ce qu’un ‘match’ potentiel avec une entreprise soit identifié. « Nous prenons le temps de connaître les bénéficiaires, de nouer un lien de confiance », explique Coraline De Spirlet. Le suivi d’Unago se poursuit, même après l’embauche, permettant d’apaiser les éventuelles tensions ou de faciliter la communication en cas d’incompréhensions entre le patron et l’ancien détenu. Ce suivi post-embauche, Nils de Chevigny l’apprécie particulièrement. « Cela favorise une insertion dans l’entreprise en douceur. Leur suivi est assez régulier pendant les premiers mois, il fait office d’évaluation. Les deux fondatrices d’Unago aident à ce que nos attentes et les attentes des nouveaux salariés soient alignées ». 

Une chose est sûre : la formule a le vent en poupe. Présente à Bruxelles, l’association envisage d’ouvrir une antenne à Namur. Unago est par ailleurs lauréate de l’appel à projets ‘Shaping the future’, lancé par la Fondation Roi Baudouin et le Fonds SD Worx, notamment. Le soutien dont bénéficie Unago lui permettra d’embaucher un nouveau salarié dont la mission sera exclusivement centrée sur l’accompagnement de jeunes, à la sortie de prison ou d’IPPJ. Une reconnaissance qui fait écho aux propos d’Ismaël, qui conclut : « Unago aide à négocier avec le patron, ils savent comment s’y prendre. Et d’un autre côté, ils cherchent à nous comprendre. Ils veulent notre bien et surtout, ils ne nous lâchent pas. »