Après les inondations, le long parcours du combattant des assurances
Après le désastre des inondations de 2021, les sinistrés se sont tournés vers leurs assurances. Mais l’obtention d’un remboursement satisfaisant ne fut pas toujours un long fleuve tranquille.
Pour Nadine Batta, qui vit à Verviers avec sa famille, les conséquences des inondations de juillet 2021 se font encore sentir. « Mon dossier d’assurance n’est toujours pas clôturé », déplore-t-elle. Après la décrue de la Vesdre, il a fallu très vite entamer les démarches pour obtenir les remboursements des dommages multiples qui ont touché sa maison. Nadine se souvient avec acuité de l’arrivée de l’expert envoyé par l’assurance, et de sa première visite : « Il était très froid et n’a pas vraiment expliqué ce qu’il faisait, ce qu’il prenait en compte. » Trois mois plus tard, l’expert revient, pour parler « chiffrage ». Nadine Batta réalise alors que tous les dégâts n’étaient pas couverts. Ceux du jardin, des affaires qui y étaient entreposées, de son mobilier. Elle réalise alors qu’elle est doublement assurée, car le contrat d’assurance précédent, chez une autre compagnie, n’avait pas été résilié. Ce doublon ne facilite pas les choses pour Nadine, au contraire. « L’expert est revenu, il proposait des chiffrages inférieurs pour l’électricité, pour le parquet. » S’ensuit un long imbroglio de paperasseries et de dialogues entre les experts des deux assurances qui tombent d’accord sur un chiffrage, que Nadine Batta juge insatisfaisant. Elle découvre par exemple qu’on lui propose un remboursement de sept marches d’escalier – à hauteur de l’inondation – alors qu’il lui faut changer toute la volée de marches. Elle fait donc appel à une contre-expertise. Les premiers temps, Nadine, son mari et ses enfants vivent à l’étage de leur maison, en improvisant un espace cuisine. Ils se sentent seuls face à la compagnie d’assurances. Elle finit par toucher « l’incontestablement dû », une somme qui ne souffre d’aucune contestation, permettant d’entamer des travaux. Le litige reste ouvert pour les sommes contestées.
Nadine fait partie de la centaine de personnes qu’a rencontrées Amandine Poncin, du réseau Wallon de lutte contre la pauvreté, dans le cadre d’une mission d’écoute des personnes vulnérables et des ménages sinistrés lors des inondations de 2021. Ces visites lui ont permis de réaliser « que de nombreux ménages sont mal assurés ou ne le sont pas du tout car quand on vit dans le trop peu de tout, on choisit généralement de payer en priorité le loyer, l’alimentation, les factures d’énergie et puis on voit ce qu’il reste pour finir le mois ». Quant aux personnes sous-assurées – qui n’ont par exemple pas mentionné à leur assureur des travaux de rénovation ou l’achat de matériel électro-ménager – elles découvrent, souvent avec stupeur, l’application de la « règle de proportionnalité » ; les remboursements sont faits en proportion du montant couvert à l’origine, donc inférieur à la valeur réelle du bien.
Un besoin d’être accompagné
Les sinistrés réalisent parfois qu’ils doivent payer une franchise ou que la vétusté des biens est décomptée de leur valeur. Souvent, les factures ont été abimées ou détruites pendant le sinistre, rendant plus complexe le processus de remboursement. « Chaque situation est particulière et dépend des clauses du contrat d’assurance », rappelle Amandine Poncin. Dans certains contrats, c’est la valeur des biens neufs qui est remboursée, dans d’autres c’est cette valeur moins la vétusté. Quant aux compagnies, leur attitude diffère : « Elles ont parfois été très proactives et le dossier était réglé en un mois, dans d’autres cas, il a fallu jusqu’à un an pour qu’un expert se déplace », ajoute-t-elle.
En cas de dommages majeurs, comme lors des inondations de 2021, le premier réflexe des sinistrés est souvent de jeter au plus vite ces biens sales et humides qui ont baigné dans des eaux stagnantes parfois polluées, afin de nettoyer le chaos. Mais la conservation de ces biens endommagés est utile pour en estimer la valeur. « Je disais à mes voisins de ne pas jeter tout ce qui pourrait servir de preuve face aux assureurs, car ils empiraient leur situation », se souvient Maria Alonso, dont la maison fut elle aussi inondée à Verviers. A l’époque elle aidait les habitants de son quartier à documenter les dommages en les photographiant. Elle-même a eu maille à partir avec son assurance. « J’avais pourtant tous les documents, et nous venions d’acheter la maison. J’ai eu l’aide précieuse d’un courtier, qui a été réactif et humain, mais il a fallu attendre huit mois pour obtenir un remboursement, après quatre visites de l’expert », témoigne-t-elle. Ainsi, lors d’une de ses visites, l’expert semble rechigner à s’aligner sur le devis proposé par Maria pour rénover la cave. « Mais pendant la visite, j’avais fait appel à mes corps de métier que j’avais sollicités pour mes devis, et ils ont pu convaincre l’expert. »
La venue de l’expert est souvent une épreuve pour les populations plus fragiles. « Les personnes en très grande difficulté ont beaucoup de mal à se faire entendre par les experts, détaille Amandine Poncin. Souvent elles ne comprennent pas leur jargon et n’osent pas exprimer leur désaccord. » Dans ce contexte complexe, « il est essentiel d’être bien accompagné, ajoute Amandine Poncin. Un courtier peut faciliter les choses, car il y a un lien personnel et une connaissance du contexte local. Il y a eu aussi les Dasi – dispositifs d’accompagnement social inondations – créés spécialement après les inondations pour soutenir les ménages qui aidaient beaucoup en agissant pour les plus défavorisés comme médiateurs auprès des assurances. » L’obtention d’un remboursement à hauteur des espérances, « c’est un véritable marathon, une guerre d’usure où l’on vous noie sous les visites et la paperasse, estime Maria Alonso. Si vous laissez tomber trop tôt, vous perdez. »
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