Un son doux améliore la qualité du sommeil chez les personnes atteintes de démence

L'importance d'un bon sommeil ne peut être sous-estimée. C’est particulièrement le cas  pour les personnes atteintes de démence ou à risque de développer cette pathologie. Le lien entre la qualité de leur sommeil et l'évolution de leur maladie est une question sur laquelle se penche le Professeur Maarten Van Den Bossche (KU Leuven). Grâce au soutien de plusieurs Fonds pour la recherche sur les maladies neurodégénératives, gérés par la Fondation Roi Baudouin, le Professeur a pu démontrer que la stimulation acoustique peut améliorer le sommeil profond des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer.

L’une des difficultés auxquelles sont confrontées les personnes atteintes de démence est la perte de qualité du sommeil : elles dorment clairement moins bien que les personnes âgées en bonne santé. En particulier, la phase de sommeil profond est plus courte ou moins fréquente.

Le Prof. Van Den Bossche, psychiatre spécialisé dans les soins aux personnes âgées, également actif au sein du centre du sommeil, explique : « J’ai deux raisons de vouloir étudier et, si possible, remédier à cette situation. D’une part, la mauvaise qualité du sommeil engendre des problèmes supplémentaires pour les patients ainsi que pour leurs aidants proches, ce qui entraîne parfois des hospitalisations. D’autre part, nous nous interrogeons sur la possibilité qu'un sommeil profond de moindre qualité puisse non seulement aggraver la maladie, mais aussi potentiellement contribuer à son développement. »

Le sommeil profond remplit des fonctions essentielles pour le corps et le cerveau : il aide à se réveiller reposé, renforce la mémoire, soutient l'immunité et favorise la régénération des tissus. Durant cette phase, le cerveau pourrait également éliminer des déchets. « Il est possible que des substances comme l'amyloïde bêta soient éliminées du cerveau pendant le sommeil profond », précise le Prof. Van Den Bossche. « Chez les animaux, cela a déjà été prouvé directement, et indirectement chez l’humain : si l’on prive de sommeil de jeunes adultes durant une nuit, on observe immédiatement une accumulation d'amyloïde bêta. La protéine pourrait ne pas être éliminée, ou l'être en moindre quantité, par rapport à une nuit de sommeil normal. » Cette élimination est assurée par le système glymphatique.

L'amyloïde bêta est justement l’une des protéines qui s’accumulent dans le cerveau des personnes atteintes d’Alzheimer (aux côtés de la protéine tau). Il est donc essentiel d’étudier le lien entre cette accumulation et la qualité du sommeil des patients.

Améliorer la qualité du sommeil

« Des recherches sur des adultes en bonne santé ont déjà montré qu'il est possible d’améliorer le sommeil profond grâce à de légers stimuli acoustiques : des sons qui ne réveillent pas, mais auxquels le cerveau réagit. Notre équipe a testé cette approche pour la première fois sur des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, pendant deux semaines et à leur domicile, plutôt que dans un laboratoire du sommeil. »

Le Prof. Van Den Bossche a bénéficié d’un soutien financier de plusieurs Fonds gérés par la Fondation Roi Baudouin. Tous sont dédiés à la recherche sur des méthodes innovantes, non médicamenteuses, pour améliorer la qualité de vie et les soins des personnes atteintes de maladies neurodégénératives, telles que la maladie d'Alzheimer ou de Parkinson. Grâce à ce soutien, une première étude a pu être menée, utilisant des bandeaux de stimulation acoustique faciles à utiliser, qui mesurent l'activité cérébrale pendant le sommeil et diffusent les stimuli acoustiques par conduction osseuse.

Sur une période d’un an et demi, 15 personnes atteintes d'Alzheimer ont participé à cette expérience. « Il est crucial que le stimulus soit appliqué au moment précis de l'onde cérébrale », précise le Prof. Van Den Bossche. « Sinon, cela n’a aucun effet, voire l’effet inverse. »

« Les bandeaux ont été bien tolérés, ce qui était déjà une bonne nouvelle. L’analyse des données a montré une amélioration significative du sommeil profond. Durant cette phase, de grandes quantités de neurones alternent entre des périodes de silence et d'activité de manière synchronisée, ce qui se traduit par des ondes lentes sur l'EEG. Grâce à la stimulation acoustique, cette phase a duré plus longtemps, et les ondes sont devenues plus élevées et plus profondes, ce qui pourrait indiquer une meilleure activité. »

Résultats prometteurs

Les effets étaient toutefois variables d’un participant à l’autre. « Cela peut en partie s’expliquer par le fait que la stimulation acoustique de ce bandeau ne commence qu'après 15 minutes de sommeil profond. Par exemple, les personnes qui ont une très mauvaise nuit n'ont que 12 minutes de sommeil profond à un moment donné, et 8 minutes à un autre moment : dans ce cas, il n’y a donc pas de stimulation. Notre hypothèse est que la stimulation acoustique sera plus efficace à un stade précoce de la maladie, lorsque le sommeil profond est encore plus présent. »

Bien que les patients et leurs aidants proches n’aient pas observé de différences notables dans la forme physique en journée, les résultats mesurés dans le cerveau sont bien plus significatifs et encourageants. « Le système glymphatique, qui élimine les déchets, et le rythme circadien sont des domaines qui suscitent un intérêt croissant ces dernières, notamment en ce qui concerne leur impact sur les prestations (sportives), le cancer ou la dépression. Ces pistes de réflexion sont sans aucun doute prometteuses et méritent d'être approfondies. Les troubles du sommeil apparaissent dès le début de la démence, bien avant d’autres symptômes, ce qui ouvre des perspectives pour des interventions précoces. »

Le Prof. Van Den Bossche souhaite poursuivre ses recherches avec un échantillon plus large de participants et, idéalement, en collaboration avec d'autres centres de recherche, afin de valider les résultats prometteurs de son étude et de les transposer en applications pratiques. « Malheureusement, les bandeaux ne sont plus disponibles à la vente en tant que dispositifs portables grand public, en raison des choix commerciaux de l'entreprise qui les fabriquait. Nous explorons actuellement, avec des ingénieurs, la possibilité de développer un dispositif similaire par nos propres moyens. Quoi qu'il en soit, il doit être simple à utiliser et confortable à porter, afin que les utilisateurs puissent le porter à long terme à domicile, pendant la nuit. »

Cette première étude constitue une étape importante pour avancer dans cette voie. « Dans la quête de nouveaux moyens de recherche, on attend souvent que des données pilotes soient déjà disponibles. C'est pourquoi il est important que la Fondation Roi Baudouin soutienne des recherches audacieuses et innovantes, qui sortent des sentiers battus. »

À propos des Fonds pour la recherche sur les maladies neurodégénératives du cerveau
Gérés par la Fondation Roi Baudouin, les Fonds Malou Malou, Perano, Georgette Paulus, JMJS Breugelmans et Gabrielle, François & Christian De Mesmaeker soutiennent la recherche scientifique sur les maladies neurodégénératives du cerveau, telles que la maladie de Parkinson et la maladie d'Alzheimer.

Ces cinq Fonds ont lancé un appel commun et souhaitent spécifiquement soutenir des projets qui contribuent à améliorer le traitement et les soins des personnes âgées atteintes de maladies neurodégénératives du cerveau, par le biais d’interventions non pharmacologiques. Un montant total de 450.000 euros a été alloué à cet appel pour soutenir jusqu'à trois projets.