Récit

Quand les virus aident à lutter contre les maladies rares

2021

Pour bon nombre de maladies rares, on connait les anomalies génétiques qui en sont à l’origine. Et bonne nouvelle : la recherche sur la façon de ‘réparer’ ces anomalies avance bien. Le Prof. Dr. Thierry VandenDriessche (VUB) explique comment ses recherches y contribuent, grâce au soutien du Fonds Walter Pyleman, du Fonds Cremers-Opdebeeck et du Fonds Richard Depasse, gérés par la Fondation Roi Baudouin.

Plusieurs dizaines d’enfants atteints d’une maladie neuromusculaire rare naissent chaque année dans notre pays. Des centaines de personnes vivent donc avec ces maladies graves. Des maladies qui ne s’attaquent pas seulement à leurs muscles dits ‘squelettiques’ - ce qui les empêche par exemple de marcher - mais aussi aux muscles de la déglutition et de la respiration, ainsi qu’au muscle cardiaque. Ces maladies musculaires peuvent être très invalidantes et même mettre la vie des patients en danger : ils avalent de travers, de la nourriture passe dans leurs voies respiratoires, ils s’étouffent ou meurent d’une insuffisance cardiaque.

Heureusement, pour un grand nombre de maladies rares, on sait où se situe précisément l’anomalie génétique qui est à leur origine. Cela fait trente ans que le Prof. Dr. Thierry VandenDriessche et le Prof. Dr. Marinee Chuah et leur équipe mènent des recherches en thérapie génique pour corriger ces ‘erreurs d’écriture’ génétiques. “Notre matériel génétique, notre ADN, est une longue succession de trois milliards de lettres. Il suffit qu’une seule de ces milliards de lettres soit manquante ou soit mal écrite pour devoir vivre avec un lourd handicap. Nous essayons donc de corriger un morceau de cette chaîne de lettres : en ‘copiant/collant’ avec la méthode Crispr-Cas ou en introduisant un bon gène à la place du mauvais.”

Barrière

Fabriquer en laboratoire un gène synthétique entièrement fonctionnel est pour ainsi dire ‘un jeu d’enfant’. Tout chercheur en génétique maîtrise désormais la méthode Crispr-Cas. Mais comment faire pénétrer ce gène ou ces composants ‘copiés/collés’ dans ces milliards de cellules ? Thierry VandenDriessche : “Nous profitons de l’efficacité des mécanismes naturels ! Car il ne suffit pas d’amener ce matériel à chaque cellule musculaire, il faut aussi qu’il passe à travers la barrière de la membrane cellulaire. Or, c’est précisément ce que font les virus : ils essayent de pénétrer les cellules. Nous allons donc ‘dompter’ des virus et les adapter pour s’en servir comme moyens de transport sûrs et efficaces.”

Ici, les choses deviennent techniquement un peu complexes, mais cela revient à tromper le virus afin qu’il encapsule le matériel génétique thérapeutique. Ces virus peuvent ensuite être injectés pour qu’ils trouvent leur chemin vers les cellules. “Cela fonctionne extrêmement bien”, dit Thierry VandenDriessche. “Nous avons par exemple fait beaucoup de recherches sur l’hémophilie, la maladie hémorragique qui empêche la coagulation du sang. Après un seul traitement avec la thérapie génique, des gens qui devaient auparavant recevoir trois injections par semaine et qui risquaient malgré tout de souffrir d’hémorragies graves sont pratiquement débarrassés des symptômes depuis dix ans. Cela change leur vie !” L’Agence européenne des Médicaments a d’ailleurs approuvé les thérapies géniques pour plusieurs maladies héréditaires.

Duchenne, Steinert et Pompe

Thierry VandenDriessche concentre à présent ses recherches sur trois maladies neuromusculaires rares : la myopathie de Duchenne (dystrophie musculaire), la maladie de Steinert (dystrophie myotonique) et la maladie de Pompe (maladie de surcharge lysosomale). La première ne touche que les garçons, les deux autres aussi bien les garçons que les filles. “Pour ces maladies, il faudra encore poursuivre les recherches pour savoir comment appliquer la thérapie génique de manière sûre et efficace, avec le minimum d’effets secondaires. Une fois arrivé dans la cellule, le gène doit encore être activé : on a besoin d’une sorte de ‘moteur’ moléculaire pour le mettre en marche. Mieux ce moteur fonctionne, moins il faut injecter de particules de virus et moins il y a de risques de réaction immunitaire. Mais il ne peut pas non plus être trop puissant, sinon cela entraîne d’autres effets secondaires. C’est cet équilibre qu’il faut trouver. Notre core business c’est de développer le moteur idéal.”

En gros, il y a trois grandes étapes : voir si on peut traiter en laboratoire des cellules d’un patient, tester ensuite si cela marche dans des modèles animaux (d’abord sur des souris, puis probablement sur des chiens) et tester enfin sur des êtres humains. “Nous venons de prouver que nous pouvons guérir la maladie de Steinert dans des cellules isolées de patients. Nous devons à présent l’observer dans le modèle animal. Pour la myopathie de Duchenne, nous en sommes déjà à la phase des souris et ça marche : alors qu’une souris malade ne peut plus marcher, une souris traitée continue à avancer sur son tapis roulant. Mais nous voulons rendre le ‘moteur’ encore plus efficace. Pour la maladie de Pompe aussi, nous sommes déjà en train de tester l’efficacité et la sécurité du traitement sur des animaux de laboratoire.”

Prometteur

L’objectif ultime est d’améliorer sensiblement la qualité et l’espérance de vie des patients. Sont-ils définitivement guéris une fois l’anomalie génétique corrigée ? “Je suis convaincu que nous pouvons vraiment faire la différence avec la thérapie génique et je suis prudemment optimiste quant à une guérison, mais nous ne pratiquons pas cela depuis suffisamment longtemps pour connaître les effets à très long terme. Par exemple, le bon gène qui a été introduit pourrait se détériorer au bout d’un (long) moment. Nous observons en tout cas que les animaux ne développent plus la maladie jusqu’à ce qu’ils meurent de vieillesse, ce qui est prometteur. Nous ne savons pas non plus si nous pouvons seulement freiner l’évolution des maladies neuromusculaires ou si nous pouvons aussi réparer des dégâts déjà présents.”

“Pour la thérapie génique, nous profitons de l’efficacité des mécanismes naturels et nous nous servons des virus comme moyens de transport afin d’ introduire les gènes thérapeutiques dans les cellules des patients.”
Prof. Dr. Thierry VandenDriessche
VUB

Il y a donc des perspectives de progrès. “C’est aussi grâce à l’implication des patients et de leurs familles”, souligne Thierry VandenDriessche. “Ils contribuent de manière significative à la recherche en incitant les chercheurs à se pencher sur ces maladies rares et en rassemblant des moyens financiers dans différents Fonds comme, dans le cas de ma recherche, le Fonds Walter Pyleman, le Fonds Cremers-Opdebeeck et le Fonds Richard Depasse. Ces moyens ont parfois été un vrai catalyseur pour ce type de recherche.”

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