Récit

Souffler, pour ne pas craquer

"Notre centre offre un répit pour les personnes avec autisme et pour leur proches, souvent épuisés."
Melina Copily
Directrice de La 2ème Base

Les personnes atteintes d’un autisme sévère imposent souvent, bien malgré elles, une vie très compliquée à leur famille. Leur prise en charge est lourde et les places en institutions spécialisées manquent cruellement. Dans ce contexte, la 2ème Base offre de précieux moments de resourcement aux proches à bout de souffle. Une initiative qui bénéficie du soutien du Fonds Yves Collinet, géré par la Fondation Roi Baudouin.

"La 2ème Base a littéralement sauvé notre famille !", s’exclame Anne-Pascale (51 ans), maman d’Anton (24 ans), atteint d’autisme sévère. Abritée sous la coupole de la Fondation Susa, le centre de référence en Belgique francophone en matière d’autisme, La 2ème Base est un lieu d’accueil pour personnes avec autisme sévère, situé à Gembloux. Il reçoit, pour de courts séjours (de deux à huit jours en fonction de la période de l’année et du type de public), une cinquantaine de bénéficiaires, à concurrence de six personnes par séjour. La formule des ‘répits résidentiels en semaine’ de deux à trois jours a été spécialement mise en place pour soulager les familles en charge d’un adulte autiste sévère pour lequel aucune autre formule d’hébergement n’a pu être trouvée.

Les journées se déroulent au rythme des bénéficiaires, "dans un esprit familial", insiste Melina Copily, la directrice de La 2ème Base. Au menu, notamment, des activités de détente – le Fonds Yves Collinet, géré par la Fondation Roi Baudouin et créé par la maman d’un adulte avec autisme sévère, a notamment permis l’aménagement d’une nouvelle salle de relaxation. Et encore : des sorties au bowling ou à la plaine de jeux, des activités de loisirs intérieures, le travail au jardin et au potager, la préparation des repas, sans oublier les multiples découvertes offertes par le jardin sensoriel – aménagé en 2018 grâce au soutien du Fonds Andrelise hébergé, lui aussi, par la Fondation.

Un miracle pour Anton et sa famille
Pour Anton, il y a clairement un ‘avant’ et un ‘après’ La 2ème Base : "Avant de fréquenter ce centre, mon fils s’était totalement replié sur lui-même, enfermé dans sa détresse". Il y a quelques années, le jeune homme fréquentait un centre de jour, mais cela ne s’est pas bien passé, et le centre a fini par lui fermer ses portes. Confronté à une situation d’échec, Anton a développé des comportements destructeurs telle l’automutilation, ce qui lui a valu d’être hospitalisé dans un service psychiatrique. "Depuis trois ans, mon fils vit en permanence avec nous : pour son papa, sa sœur et moi, la situation est vraiment très difficile à vivre. Le confinement social, l’isolement, nous le vivons en permanence : nous ne pouvons aller nulle part avec Anton, nous ne pouvons imaginer aucune activité à l’extérieur. Et, malgré tous nos efforts pour rendre Anton heureux, nous l’étouffons aussi".

Et puis, le miracle s’est produit : Anton a été admis à La 2ème Base, qu’il fréquente à concurrence d’une à deux fois par mois, pour deux à trois jours de répit résidentiel en semaine. "Grâce à ces moments de répit, la famille a retrouvé son équilibre", témoigne Anne-Pascale. "Mon mari et moi en profitons pour prendre l’air, aller manger au restaurant avec notre fille, nous retrouver, nous ressourcer. Si nous n’avions pas eu la chance de croiser la route de La 2ème Base, honnêtement, je ne sais pas où en serait notre famille aujourd’hui. J’ai l’impression qu’on nous a sauvé la vie".
Mais la maman, le papa et la sœur d’Anton ne sont pas les seuls à profiter des bienfaits de ces parenthèses : "Anton, qui ne manifeste d’ordinaire aucune émotion, et répond par la négative à la plupart des sollicitations, témoigne d’un enthousiasme incroyable au moment du départ pour La 2ème Base. Nous ne lui annonçons le départ qu’au tout dernier moment, sinon il n’y a plus moyen de le retenir", sourit-elle. "Là-bas, il se sent compris et apprécié malgré ses difficultés et ses comportements. Grâce à la prise en charge adéquate, il n’est plus en situation d’échec et retrouve une estime de lui. Les gens qui y travaillent connaissent vraiment l’autisme sévère, ils savent y faire : ce sont vraiment des personnes remarquables".

Un encadrement solide, et beaucoup de bienveillance
La vie avec une personne souffrant de troubles autistiques graves ressemble à un parcours d’obstacle de chaque instant : "Vivre au quotidien aux côtés d’un enfant, d’un ado ou d’un adulte autiste sévère est épuisant", insiste Melina Copily. "Souvent, ces personnes souffrent de troubles du comportement, ce qui rend toute vie sociale impossible, et ronge ceux qui en ont la charge. La communication verbale est le plus souvent extrêmement réduite, voire inexistante. Il faut donc utiliser d’autres formes de communication, notamment par le biais de pictogrammes, de photos ou de dessins. Les tâches quotidiennes qui rythment habituellement la vie des familles – faire les courses, préparer les repas, répondre au téléphone, couper les cheveux d’un enfant, etc. – deviennent périlleuses. Epuisés, les parents perdent parfois de vue les compétences de leur enfant. Ils ne sont pas équipés pour les solliciter de manière adéquate, et n’en ont pas toujours les temps. Ici, l’encadrement – une éducatrice par personne en séjour au centre – permet réellement un soutien à la carte. Le matériel et les outils dont nous disposons nous permettent d’aider les bénéficiaires à développer leurs compétences".

Melina Copily est consciente que son centre ne représente, hélas, qu’une oasis dans ce qui ressemble encore, pour beaucoup de familles, à un vrai désert de solitude : les structures d’accueil pour les personnes avec autisme sévère sont rares ; les places font cruellement défaut. "C’est une catastrophe", résume-t-elle. "On parle beaucoup du burn-out parental. Alors, pour les parents qui ont à temps plein la charge d’enfants autistes sévères, vous imaginez ce que cela représente…".

À propos du Fonds Yves Collinet

Géré par la Fondation Roi Baudouin, le Fonds Yves Collinet a été créé par la maman d’un adulte présentant un autisme sévère qui souhaite soulager les parents qui, comme elle, ne peuvent plus gérer seul leur enfant. Actuellement, ces parents sont confrontés à un manque cruel de places disponibles pour des adultes très dépendants. Le Fonds soutient des projets développés par des centres d’hébergement et d’accueil pour une meilleure intégration et une meilleure prise en charge des personnes adultes atteintes d’autisme sévère. Depuis 2015, le Fonds a soutenu 26 projets pour un montant total de 416.000 euros.

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