Récit

LoopS, un projet pilote qui réinvente la construction

2025
 Le secteur de la construction peut être un levier important vers une société plus durable.
Marie-Catherine Michaux
coordinatrice du projet LoopS

En pleine ébullition dans le cadre de la transition écologique, l’économie circulaire cherche encore ses repères pour s’ancrer durablement dans le secteur de la construction. Pour accélérer ce mouvement, la Fondation Roi Baudouin soutient les acteurs engagés dans la construction circulaire. Un besoin s’est imposé après concertation avec des acteurs de l’économie sociale et de la formation : créer un chantier où expérimenter, pratiquer et tester de nouvelles techniques de rénovation circulaire. Cela tombe bien : le Fonds Nicolas Dehu a justement un bâtiment à rénover, qu’il a décidé de mettre à la disposition de ce projet inédit. Tous les métiers du bâtiment pourront s’y initier à la nouvelle tournure d’esprit qu’exigent la récupération et la réutilisation des matériaux. Une aubaine dont viennent de profiter, pour la première fois, une quinzaine de futurs architectes. Embarquement pour la visite ! 

Ils ont une bonne vingtaine d’années, circulent lentement de pièce en pièce et, carnet en main, posent le regard un peu partout. Ils scannent les plafonds, testent les luminaires, s’attardent aux radiateurs, tapotent parfois châssis et carrelages comme si devait en sortir un génie bienfaisant. Perplexes, ils s’interrogent « combien ça vaut ? », « c’est de la colle ou du ciment ? », « c’est de quelle époque ? ». Sur leurs visages, on lit l’intérêt et l’hésitation. Les premiers pas de tout apprenant… 

Sans en réaliser vraiment la mesure, ces étudiants de troisième année, futurs architectes, sont en train de marcher dans les traces d’une activité professionnelle qui, demain, sera en plein essor : celle d’inventoriste en réemploi dans le secteur du bâtiment. Leur tâche, à la fois simple et complexe, est encadrée par leur professeure de l’UCLouvain Tournai, Emilie Gobbo, ainsi que Damien Verraver, professionnel du secteur de la déconstruction et co-gérant de la Société Coopérative à Finalité Sociale Retrival. « En tant que professeure, mon objectif, en développant ce cours à option Re-Design dédié au réemploi, est de sensibiliser, d’initier et de former au mieux les étudiants face aux enjeux actuels », précise Emilie Gobbo. « Ce type d'exercice intégré à leur cursus permet aussi d'affûter leur regard sur la valeur de la matière mobilisée dans nos bâtiments. C'est à la fois un challenge et une volonté de former ces futurs architectes aux pratiques de réemploi. » 

Dans cette salle de fête paroissiale accolée à une chapelle désacralisée, passablement défraîchies, les étudiants doivent repérer tous les éléments susceptibles d’être valorisés, soit ici-même lors du chantier de rénovation qui s’ouvrira prochainement, soit ailleurs, éventuellement sur les marchés de la récup : fenêtres et châssis, poutres et poutrelles, métaux et colonnes, carrelages, sanitaires, matériels de chauffage, etc. 

L’été dernier, le Fonds Nicolas Dehu, géré par la Fondation Roi Baudouin, a racheté cette chapelle de Strépy-Bracquegnies et ses dépendances pour les mettre à la disposition de l’association Cœurs en cordée, une antenne de St-Vincent de Paul qui distribue régulièrement des colis alimentaires à 300 familles en difficulté. À l’étroit dans ses locaux actuels, l’association pourra, une fois réinstallée ici, mieux mener à bien ses missions de lutte contre la précarité et l’exclusion.  

L’économie sociale, partenaire-clé du projet 

À la Fondation Roi Baudouin, on a voulu faire coup double, voire mieux encore. « En raison de son impact environnemental élevé, le secteur de la construction joue un rôle essentiel dans la transition écologique. Il peut être un levier important dans le cheminement vers une société plus durable », commente Marie-Catherine Michaux, coordinatrice du projet LoopS*. De là, la volonté de profiter de la rénovation des bâtiments de Strépy pour mettre sur pied un ‘chantier école’ jouant un rôle pilote dans l’expérimentation réelle de la rénovation circulaire.  

« Chaque étape d’un chantier circulaire (démontage, extraction, conditionnement, transport, stockage…) exige le recours à des professionnels qualifiés. Cela nécessite d’apprendre ou de réapprendre pour s’initier aux nouveaux métiers indispensables à ce type de projet. » D’où l’idée de ce chantier circulaire pilote, destiné tant aux étudiants en architecture qu’aux entrepreneurs, aux apprentis et aux différents corps de métier susceptibles de s’y succéder : inventoristes, plafonneurs, carreleurs, maçons, artisans divers...  L’économie sociale, qui représente 900.000 travailleurs en Belgique et est pourvoyeuse d’emploi en matière de construction et rénovation circulaire, pourra également participer activement au projet de rénovation. 

Aux bénéficiaires déjà identifiés, il faut ajouter les associations locales pressenties pour occuper le reste des locaux bientôt rénovés : une école des devoirs, une fanfare de gilles, un groupement de médecins généralistes, une association de coiffeurs sociaux, etc. Unis par leur vocation commune de renforcer le tissu social local, les acteurs locaux sont associés à la réflexion sur l’affectation future des locaux animée par Espace Environnement et Havresac, une coopérative d’architectes spécialisée dans les habitats alternatifs et la circularité. Le but est évidemment de pousser le plus loin possible la mutualisation dans l’utilisation des locaux. Un tel espace disponible au cœur d’un quartier populaire comme celui-ci représente en effet une formidable opportunité à valoriser pleinement pour le bien de la communauté.  

Apprentissage actif 

La maquette qui trône au centre de la salle des fêtes attire l’attention des architectes en herbe. Ici, en rouge, la zone de stockage pour les aliments frais, avec un étage démontable ; là, la zone de préparation des futurs colis ; plus loin, la zone d’accès des bénéficiaires ; en bleu, les zones plutôt réservées aux autres associations… « Des visites pareilles, ça nourrit la créativité », s’enthousiasme l’une des étudiantes. « J’adore aller sur le terrain. C’est la première fois qu’on nous met au défi concrètement », se réjouit l’une de ses camarades. « D’habitude, on visite et on se contente de poser des questions… Ici, on a pu faire un exercice concret » confirme un troisième étudiant. 

Derrière eux, l’animateur du jour, Damien Verraver, insiste sur les qualités d’un inventaire de réemploi. En gros : bien plus qu’un simple relevé ou un métré, mais bien un document riche de données cohérentes, diffusables et immédiatement appréhendables par des intervenants de toute nature (malgré l’absence de nomenclature unanimement reconnue). Sans oublier, bien sûr, ce qui doit être la préoccupation centrale : la viabilité économique de chacune des étapes, depuis le démontage jusqu’à la vente (en matériauthèque ou ailleurs) … Une affaire d’expérience, sans nul doute. 

À propos de LoopS  

Mené par la Fondation Roi Baudouin dans le cadre de son programme Climat, Environnement et Biodiversité, le projet LoopS a pour ambition de soutenir les acteurs de l’économie sociale actifs dans l’économie circulaire en Wallonie et à Bruxelles. LoopS permet aussi aux (futurs) professionnels d’acquérir les compétences nécessaires dans un marché de l’emploi “vert”. Le projet se déploie actuellement dans deux filières principales : le textile et la construction.  

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