Récit

La philanthropie, une question de choix : Forest Whitaker dans le cadre de l’évènement Be Philanthropy 2023

2023

Lors d’un entretien vidéo réalisé à l’occasion de Be Philanthropy 2023, évènement lors duquel la Fondation Roi Baudouin a réuni plus de 1 100 éminents philanthropes belges et européens le 27 avril dernier, l’acteur Forest Whitaker a décrit sa vision d’un monde dans lequel il appartient à chacun d’être philanthrope et de contribuer au développement d’une meilleure société.

Partant de son désir précoce de venir en aide aux autres, de son enfance dans les quartiers difficiles de Los Angeles à sa rencontre avec d’anciens enfants soldats lors du tournage du film Le Dernier Roi d’Écosse pour lequel il s’est vu décerner un oscar, F. Whitaker a fait part de l’enthousiasme qu’il a ressenti au cours de la dernière décennie, depuis le lancement de la Whitaker Peace and Development Initiative ayant pour vocation d’aider les jeunes non seulement à s’en sortir par eux-mêmes, mais aussi de leur donner les moyens d’instaurer la paix et la prospérité au sein de leurs communautés respectives.

Les propos de Forest Whitaker, issus d’un entretien avec Ludwig Forrest, responsable de la philanthropie à la FRB, sont repris ci-dessous.

Ludwig Forrest :

Je voudrais souligner que vous avez fait tout votre possible pour être avec nous à Bruxelles aujourd’hui, mais que de récents engagements professionnels vous en ont empêché.

Je sais également que vous connaissez très bien certains des invités de marque présents ici aujourd’hui et combien vous les appréciez. Souhaitez-vous dire quelques mots ?

Forest Whitaker :

J’aimerais profiter de cette occasion pour remercier Sa Majesté la Reine d’avoir soutenu ma participation à cet entretien… J’y tenais beaucoup, car j’ai eu l’honneur de la rencontrer il y a quelques années de cela. Nous avions beaucoup d’intérêts communs quant aux manières de venir en aide aux personnes issues de milieux défavorisés, d’aborder les traumatismes dans le secteur des soins de santé, de même que sur différents sujets en matière de développement. C’est donc un grand plaisir, pour moi, de pouvoir être ici aujourd’hui.

Ludwig Forrest :

Nous sommes ici afin de réfléchir sur la philanthropie, sur les moyens de la favoriser et de susciter l’inspiration. Qu’est-ce qui vous a amené à la philanthropie ? D’où vient votre engagement ?

Forest Whitaker :

Je pense que je me suis impliqué dans la philanthropie avant même d’en prendre conscience. En fait, j’essayais simplement de travailler avec mon prochain et de faire évoluer chacun du mieux que je le pouvais. Et ce, toujours en partant du principe que ce que je vois chez les autres, c’est mon propre reflet, et qu’il est donc de mon devoir de leur venir en aide. C’est donc ainsi que, petit à petit, j’en suis arrivé là… C’est cette démarche qui, je suppose, m’a amené à me tourner vers la philanthropie. C’est ce à quoi je m’emploie depuis dix ans, notamment au sein de ma propre organisation.

Et durant les années qui ont précédé, je n’avais pas vraiment conscience de ce que cela pouvait représenter.

Ludwig Forrest :

Vos engagements sont pourtant nombreux en matière de philanthropie. Qu’est-ce qui dicte vos choix ?

Vous êtes l’envoyé spécial de l’UNESCO pour la paix et la réconciliation. Puis, vous venez également d’évoquer votre rôle dans le groupe des défenseurs des objectifs de développement durable des Nations Unies.

Forest Whitaker :

Les Nations Unies œuvrent en faveur de la paix, de l’égalité et d’une planète saine, et c’est en grande partie ce qui nous occupe également. Il en va de même pour l’instauration de la paix dans le cœur et l’esprit des hommes et des femmes, conformément à la devise de l’UNESCO.

Ces deux éléments s’intègrent dans mon programme de manière à ce que nous travaillions tous ensemble dans un même but, à savoir libérer la planète des conflits du mieux que nous pouvons et permettre à chaque individu d’avoir la possibilité de vivre dans la paix, la santé, le bonheur et la prospérité.

Ludwig Forrest :

Vous avez, bien entendu, fait allusion à la « Whitaker Peace and Development Initiative ». Dans quelques minutes, nous aurons le plaisir d’accueillir sur scène Caroline Descombris, qui nous expliquera les missions et les actions de celle-ci.

Qu’est-ce qui vous a intimement poussé à œuvrer pour la paix et le développement durable ?

Forest Whitaker :

Je pense que le fait d’avoir grandi aux États-Unis, en tant qu’Afro-Américain, et d’avoir observé certains conflits et différentes choses dans mon quartier, a commencé à éveiller en moi l’envie de travailler dans ce domaine.

Je pense que tout a commencé quand j’ai travaillé avec des membres de gangs quand j’étais plus jeune,

avant d’aborder ensuite la violence domestique. Plus tard, quand je suis allé en Ouganda, j’ai eu l’occasion de rencontrer des enfants soldats. J’ai pu voir dans leurs yeux le même regard que celui des enfants avec lesquels j’ai grandi. J’ai donc décidé d’en faire une sorte de projet de vie.

Et heureusement, j’ai pu compter sur des personnes formidables, comme Caroline, et sur une équipe extraordinaire pour concrétiser ce projet et le faire évoluer, ce qui fut le cas au cours des dix dernières années. Nous avons probablement créé plus ou moins 500 entreprises. Et nous avons ainsi interagi de bien des façons avec un million et demi de personnes. J’ai vraiment beaucoup apprécié pouvoir contribuer à cette croissance.

Ludwig Forrest :

La responsabilisation des jeunes et la promotion de l’égalité des sexes sont également très importantes à vos yeux.

Forest Whitaker :

Oui, et c’est, pour ainsi dire, l’un des objectifs de notre organisation, fort heureusement. Nous déployons des programmes dans pas moins de huit pays. Plus de la moitié des bénéficiaires sont des femmes. En Afrique du Sud notamment, nous avons formé quelque 750 femmes, jeunes et moins jeunes, à l’entrepreneuriat, car c’est l’un de nos objectifs.

C’est donc un programme que nous poursuivons, et nous sommes heureux de pouvoir nous impliquer, à ce niveau, avec tous ceux qui partagent les mêmes ambitions.

Ludwig Forrest :

Vous avez une très belle carrière au cinéma. Dans quelle mesure cela influence-t-il votre travail philanthropique et inversement ? Dans quelle mesure votre action philanthropique influence-t-elle votre brillante carrière ?

Forest Whitaker :

Je pense que la capacité à développer le travail nécessaire, à donner aux gens les outils pour réussir revêt une certaine part de créativité. Au départ, j’avais simplement dans l’idée de m’axer sur quatre piliers : la résolution des conflits, les compétences nécessaires à la vie de tous les jours, les TIC et l’entrepreneuriat social. Et donc, tout ça a été l’amorce de ce que nous voulions réaliser. Il s’agissait donc d’un effort créatif basé sur des choses qu’il m’avait été donné d’apprendre ou de lire. Et je pense que pour continuer à avoir ça, pour être sur le terrain, pour comprendre comment faire de la médiation comme nos jeunes le font dans différents domaines, parfois en arbitrant des conflits entre des dizaines de milliers de personnes, ces jeunes doivent avoir recours à leur créativité pour connaître et ressentir leur empathie, pour savoir exactement ce qu’il faut faire pour que ces choses fonctionnent et pour que des changements se produisent. Je pense donc que l’influence réciproque se situe là, notamment… Et puis, en tant qu’artiste, je ne peux m’empêcher d’être influencé par les énergies et les choses que j’ai pu entendre ou appréhender. Elles font désormais partie de moi. C’est, pour moi, un énorme cadeau. Parfois, c’est douloureux, parfois c’est beau, mais quoi qu’il arrive, j’en tire des leçons.

Ludwig Forrest :

Quelle est la chose dont vous êtes le plus fier, parmi tout ce que vous avez déjà accompli au sein de votre organisation et dans le cadre de vos nombreux engagements ? D’un point de vue philanthropique, bien sûr.

Forest Whitaker :

Je crois que ce sont les bénéficiaires dont je suis le plus fier. Notamment ces jeunes qui créent des entreprises, qu’il s’agisse de camions de sushis en Afrique du Sud ou d’exploitations agricoles au Sud-Soudan. Ils m’impressionnent vraiment. Je me souviens de Simon, l’un de nos premiers stagiaires, qui m’avait pris la main et m’avait accompagné jusqu’à son magasin d’électricité. Il m’a ensuite montré l’école voisine, où il formait d’autres personnes à faire la même chose que lui. C’est ce qui se passe également dans les magasins de produits de beauté que nous avons créés. C’est passionnant de les voir capables d’agir comme médiateurs lors des conflits, d’aller dans les communautés, de changer leur tempérament et de les aider à évoluer vers la paix.

Ils ont réalisé énormément de choses et on ne peut que s’en réjouir.

Ludwig Forrest :

Je vois un sourire philanthropique sur votre visage. En quoi la philanthropie peut-elle faire la différence, selon vous ?

Forest Whitaker :

Chacun est en mesure d’apporter sa pierre à l’édifice, qu’elle soit petite ou grande. Je pense d’ailleurs que c’était également l’idée de Desmond Tutu lorsqu’il disait : « Faites le bien par petits bouts, là où vous êtes ; car ce sont tous ces petits bouts de bien, une fois assemblés, qui transforment le monde. » Et je pense que chacun doit le savoir et s’engager dans ce mouvement, le mouvement qui mène à la paix dans le monde et à la prospérité pour tous. En ce qui me concerne, je trouve ça extrêmement stimulant de savoir que je continue à marcher et que je continuerai à avancer jusqu’à ce que les choses changent.

Ludwig Forrest :

Monsieur Whitaker, au nom de la Fondation Roi Baudouin, je vous remercie de cet entretien inspirant ainsi que de votre disponibilité. Merci.

Forest Whitaker :

Merci, cela me permet en quelque sorte d’être présent.

Ludwig Forrest :

Tout à fait.

Vidéo

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